C’est quoi, la « vulga » ?

Fin novembre, Bolchegeek (et La petite voix) ont sorti une vidéo très intéressante sur les problèmes dans la façon dont les créateurs web parlent de cinéma. Elle analyse l’influence des plateformes, des modes de consommation de contenus et des contraintes des créateurs sur différents formats utilisés pour traiter les sujets ciné et propose des réflexions pour faire mieux. Si vous créez des contenus web, même s’ils n’ont pas de lien avec le cinéma et qu’ils ne sont pas diffusés sur YouTube, je vous la recommande.

De mon côté, je voulais réagir à la vision de la vulgarisation présentée dans cette vidéo (et également évoquée, entre autres réflexions sur l’opposition entre culture populaire et culture légitime, dans cette autre intervention de Bolchegeek). La citation qui m’a accroché l’oreille est à environ 33 minutes :

« La différence, à mon avis, avec la vulgarisation, c’est que l’essai n’a pas comme objectif premier de rendre accessibles des connaissances savantes, de les transmettre de manière verticale des initiés aux néophytes, ce qui relève plus de la médiation. D’ailleurs le terme « vulgariser » a malgré lui cette connotation un peu négative, « faire descendre de nobles savoirs vers le bas peuple », ce qui reste un casse-tête pour les vulgarisateurs, à qui on reproche parfois de détériorer ces savoirs pointus en les simplifiant, de les avilir en les rendant accessibles. »

Ces quelques phrases abordent plusieurs points qui sont au centre des discussions et des études portant sur la vulgarisation, pour certains depuis que le concept de vulgarisation existe. Mon but aujourd’hui n’est pas de faire une synthèse générale sur le sujet (mais si ça vous intéresse, je vous mets quelques liens en fin d’article). Je vais juste revenir sur une conception de la vulgarisation que je trouve beaucoup trop répandue, notamment chez les vulgarisateurs autodidactes, alors qu’elle est très critiquée par la recherche en sciences de la communication et par certains professionnels de la médiation scientifique depuis des décennies. C’est la vision que présente Bolchegeek, qui consiste à considérer la vulgarisation comme une transmission verticale, des experts aux néophytes.

Ce modèle vertical descendant est très fréquent. Quand vous regardez un documentaire, que vous lisez un magazine, que vous écoutez un podcast, que vous visitez une exposition, que vous visionnez une vidéo en ligne ou que vous assistez à une conférence, vous recevez un contenu qui émane d’une figure d’autorité (plus ou moins légitime), dont le savoir descend jusqu’à vous. Et, même sans être friands de vulgarisation (auquel cas vous vous êtes perdus pour arriver jusqu’à ce blog), on a tous et toutes été confrontés à cette démarche puisque, la plupart du temps, c’est comme ça que fonctionne l’enseignement.

Photo prise par Carrefour des Sciences et des Arts à l’occasion d’une conférence à Cahors en mars 2022

Moi-même, j’ai commencé la vulgarisation pendant ma thèse, en co-concevant et animant des ateliers pour la fête de la science, qui étaient très ludiques et laissaient beaucoup de place aux interrogations des enfants, mais s’inscrivaient complètement dans une diffusion verticale du savoir : j’avais des connaissances à transmettre à des enfants, qui ne les possédaient pas. Et, accessoirement, l’objectif premier de leur montrer que la science c’est cool et qu’on fait des choses intéressantes dans les laboratoires. Ce qui était une façon de légitimer mon propre travail de chercheuse.

Car, même si je n’en avais pas conscience à l’époque, le modèle de transmission descendante du savoir repose sur un certain nombre d’implicites. Tout d’abord il suppose l’existence d’un fossé, creusé notamment par les progrès des connaissances et des techniques, qui séparerait les savants du public. Fossé qu’il serait nécessaire de combler, pour différentes raisons pas toujours réellement identifiées par les vulgarisateurs. Deux motivations reviennent cependant assez régulièrement aujourd’hui : l’importance de rendre compte aux citoyens des recherches menées avec de l’argent public (c’est-à-dire leur argent) et la nécessité d’(in)former le public pour le rendre moins ignorant, donc lui permettre de prendre de meilleures décisions. Pour combler le fossé entre les spécialistes et leur audience, deux populations qui ne parlent plus vraiment le même langage, le médiateur/vulgarisateur peut servir de traducteur.

Note : j’utilise ici un masculin générique mais il est intéressant de noter que, si les hommes sont majoritaires dans la vulgarisation sur YouTube (82% parmi les vulgarisateurs français, d’après cette étude réalisée en 2020 et vulgarisée ici en vidéo, à laquelle j’ai contribué), sur le terrain, les médiatrices sont plus souvent des femmes (66% d’après cette enquête réalisée en 2013-2014).
Et on peut étendre une bonne partie du raisonnement présenté ici au travail des journalistes, qui présente un certain nombre de similitudes avec la vulgarisation.

Il ne faut pas grand-chose pour que cette vision descendante de la vulgarisation devienne carrément condescendante, et je ne suis pas étonnée que Bolchegeek ne s’y identifie pas du tout. Elle revient en effet à considérer qu’il y a d’un côté une élite, dont les savoirs sont importants et méritent d’être diffusés, et de l’autre une majorité de gens ignorants, qu’on doit abreuver de ces savoirs légitimes, pour son propre bien. Le nom donné par les spécialistes à cette modalité de diffusion des connaissances véhicule bien cette asymétrie : ils parlent de « modèle du déficit ».

Sur YouTube, cette approche est parfois carrément matérialisée à l’écran, quand les vidéastes choisissent d’incarner deux personnages : un savant, qui explique, et un naïf, censé représenter les spectateurs, qui fait des remarques et pose des questions. C’est une technique qui était déjà utilisée dans des livres de science destinés au public au dix-septième siècle. Le dialogue crée du rythme et a une valeur pédagogique, mais ça reste un artifice de narration. Les deux personnages ne sont pas sur un pied d’égalité et les différences entre leurs styles vestimentaires ou leurs façons de parler sont parfois assez frappantes en termes de distinctions sociales…

Extrait de cette vidéo. Ça date mais je plaide coupable (même si mes deux personnages expliquaient des choses).

Même si on supposait que le « modèle du déficit » porte bien son nom et qu’il y a vraiment un déficit à combler, l’impact de la transmission verticale descendante sur les objectifs poursuivis est pour le moins discutable. D’une part parce que les données montrent globalement qu’apporter des connaissances supplémentaires ne suffit pas à changer les comportements, les attitudes voire les opinions du public. (Il y aurait de quoi écrire un article entier là-dessus… Je n’ai pas trouvé de synthèse pratique à lire des recherches sur le sujet, mais l’introduction et la conclusion de cette publication renvoient vers un certain nombre de sources.) D’autre part parce que, s’il est important d’informer les citoyens sur les résultats de la recherche (c’était une de mes raisons pour passer de la recherche à la vulgarisation au départ : je considérais ça comme un devoir), cela reste un compte-rendu a posteriori. Les citoyens ne sont pas impliqués dans le choix des projets ou même des grandes thématiques à financer avec leur argent.

Pourtant, ils auraient leur mot à dire car, et c’est un des principaux problèmes du modèle du déficit : les citoyens ne sont pas des réceptacles vides. Il suffit d’animer un atelier avec des enfants et de les laisser s’exprimer pour constater qu’ils ont des tas de choses à partager : des connaissances, des présupposés, des anecdotes, des valeurs, des opinions, des questionnements… Qu’on retrouve évidemment chez les adultes, même si tous ne les expriment plus aussi ouvertement. A l’inverse, les experts ne sont experts que d’un sujet, plus ou moins large. Pour tous les autres, ils sont du côté « public » de la transmission.

Bref, il n’y a pas vraiment un fossé à combler, séparant les spécialistes des néophytes. Il y a des tas de petits fossés, qui séparent les humains les uns des autres, en fonction de leurs connaissances mais aussi de plein d’autres éléments de leurs expériences de vie. Et pour faire société malgré ça, c’est plus efficace de construire des ponts avec l’aide de chacun que de déverser unilatéralement des pelletés de savoir dans un trou.

Mais au-delà de mes envies d’envolées lyriques, revenons concrètement à notre sujet de départ. « Transmettre de manière verticale des initiés aux néophytes », pour reprendre les termes de Bolchegeek, revient donc à s’inscrire dans le modèle du déficit. Que ce soit conscient ou non, cette approche repose sur un sentiment de supériorité (« j’ai des choses intéressantes à dire ») et d’utilité (« ça vous apportera quelque chose de m’écouter »). Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit : ce n’est pas forcément un mal ! On sait effectivement tous des choses que notre voisin ne sait pas, et inversement. Et on peut trouver intéressant d’en entendre parler, qu’il s’agisse d’une recette de gâteau ou du fonctionnement d’un réacteur thermonucléaire. Mais pourquoi ne pas aller un cran plus loin et discuter, au lieu d’écouter ?

Il n’y a aucun sous-texte dans cette photo de moutons. C’était un des premiers résultats d’un site d’images libres de droit en tapant le mot clé « discussion » et j’ai trouvé ça beaucoup trop drôle et improbable pour ne pas l’utiliser.

Chaque support a ses contraintes, mais il est tout à fait possible d’imaginer des formats de vulgarisation à la fois moins descendants et moins verticaux. Pour les vidéastes web, si les vidéos YouTube restent nécessairement verticales, elles peuvent être construites en s’appuyant sur les commentaires du public, qui permettent de faire remonter (et plus seulement descendre) des informations, des interrogations ou des préoccupations. Les formats live, en plein essor sur Twitch, ramènent quant à eux de l’horizontalité et ouvrent de nouvelles possibilités créatives.

Dans la même idée, on peut ajouter des dispositifs interactifs amenant les visiteurs à influencer le contenu d’une exposition, ou déconstruire la trame linéaire d’une conférence pour faire intervenir les spectateurs, quitte à perdre le contrôle sur son déroulé. Il existe de nombreuses façons d’impliquer le public y compris dans ces formats qui restent par essence verticaux. Parce que oui, même avec beaucoup d’interactivité, une personne sur scène qui parle à un parterre de gens ou un vidéaste qui réagit à son chat sur Twitch sont dans une position de supériorité vis-à-vis du public.

Personnellement, quand on me sollicite pour des interventions autour de La folle histoire des virus, je trouve souvent les rencontres auteurs plus intéressantes que les conférences. Au lieu de dérouler un contenu préparé à l’avance, je me mets à la disposition des gens pour répondre à leurs questions et discuter avec eux. Quand l’échange est animé par quelqu’un qui a lu le livre, il y a certains sujets auxquels je m’attends, mais ça reste très différent à chaque fois. Et c’est ce que j’aime : ne pas savoir ce qui va se passer, réfléchir à de nouvelles choses et apprendre ce que les personnes qui ont fait l’effort de venir me voir ont à m’apprendre, elles aussi.

Les streameurs se reconnaîtront sans doute là-dedans, ainsi que les chercheurs qui participent à des dispositifs dérivés du speed-dating (qui se développent beaucoup ces dernières années, comme les speed-searching de la Nuit des chercheurs ou Declics, sur lequel j’avais travaillé il y a déjà 5 ans). Pour rester rigoureux dans ce genre d’exercice, il faut être lucide et transparent sur les limites de ses connaissances. On ne peut pas tout savoir et c’est ok, un petit exercice de modestie ne fait jamais de mal ! Il n’empêche qu’en tant qu’intervenants, même assis sur une chaise au même niveau que le public, on occupe une position d’autorité.

Tentative de me mettre au même niveau que le public pendant une conférence (Fête de la science 2019) : efficacité limitée, mais c’est confortable.

Quoi qu’on fasse, beaucoup de formats ne permettent pas de s’extraire totalement d’une logique verticale descendante. Le vertical, c’est la modalité par défaut, celle à laquelle on a été habitués à l’école, celle selon laquelle fonctionnent les médias, celle que les chercheurs pratiquent dans leur milieu professionnel. On la reproduit sans y penser ou presque. En sortir nécessite de repenser les dispositifs, de proposer un vrai pas de côté… que les professionnels de la culture scientifique me semblent être nombreux à faire !

Quand j’ai débarqué dans ce milieu, fraîchement sortie de ma thèse et armée d’une petite expérience en animation d’ateliers et réalisation de vidéos pédagogiques, avide de dialogue mais confortablement installée dans un modèle de diffusion verticale, j’ai eu la chance d’être recrutée par le Groupes TRACES. Comme l’indique très bien son site, cette association met un point d’honneur à s’interroger sur ses pratiques et à tenter des trucs, en considérant les sciences comme un objet social, source d’interactions potentielles. C’était le contexte parfait pour me rendre compte de tout ce qu’il me restait à apprendre sur mon nouveau métier.

Pour vous donner un exemple de dispositif de vulgarisation horizontal, j’ai rapidement été amenée à animer des ateliers de « créativité technique » (inspirés du Tinkering développé par l’Exploratorium de San Francisco). Le principe est simple : on donne du matériel aux gens (pics à brochette, petits moteurs, blocs de polystyrène, scotch, ballons, boîtes en carton, morceaux de bois…) et on leur propose un défi à relever. Par exemple : fabriquer un objet qui gribouille, ou qui puisse remonter un plan incliné, ou qui tienne en équilibre sur un cure-dent. Et… c’est tout. Pas de consigne particulière. Chacun met les mains dans le cambouis et tente de bricoler quelque chose.

Quand on m’a demandé de relever moi-même un de ces défis en formation, j’ai un peu paniqué en me demandant comment j’allais pouvoir animer des ateliers pareils alors que j’étais incapable d’imaginer mes propres solutions… Ce qui montre bien que je n’avais rien compris à l’exercice. On ne me demandait pas de donner des éléments de réponse, on me demandait d’installer un cadre et de servir d’intermédiaire entre les participants. La source du contenu ce n’était pas moi, c’était le public.

Bon, ça demande quand même d’avoir quelques notions de physique sous le coude, mais ce que j’ai surtout dû apprendre c’est une autre approche de la pédagogie. Savoir lâcher prise, accepter de ne gérer ni le timing ni le contenu, m’adapter sans cesse aux sollicitations des participants et trouver des façons de créer du lien humain, de motiver tel enfant à se faire confiance et à essayer des choses, d’inciter tel groupe à partager ses astuces avec les autres… Ces ateliers peuvent durer une heure ou un après-midi, voire être réalisés sur un stand avec du public qui circule, et s’adresser à des enfants ou des adultes. Ce qui compte ce n’est pas qu’en repartant ils en sachent plus sur la notion d’équilibre ou de portance. Tant mieux s’ils apprennent des petites choses, mais l’essentiel c’est qu’ils aient passé un bon moment en faisant des sciences, qu’ils se soient surpris eux-mêmes et qu’ils aient échangé avec les autres participants.

Mon meilleur souvenir de créativité technique, c’était un créneau d’après-midi sur lequel venaient des familles et où on avait lancé le défi « construisez une machine qui éclate un ballon quand on tire sur une ficelle ». Les parents et grands-parents qui amenaient leurs enfants finissaient souvent par se prendre au jeu et bricoler des choses eux-mêmes. Ce jour-là, deux papas de familles qui ne se connaissaient pas ont fini ensemble, debout sur une table, à scotcher des trucs au plafond en suivant les consignes de leurs proches pour construire une unique machine géante. Je ne sais pas s’ils ont appris des choses. Je ne sais pas comment fonctionnait leur machine. Je ne sais même plus si elle marchait. Mais je sais qu’un défi technique a permis un moment d’échange entre des inconnus et a créé des émotions.

N’est-ce pas aussi ça, la « culture scientifique » ? Faire des sciences une source d’émotions et de lien social, c’est-à-dire un objet culturel.

Photo d’une valise de matériel que j’utilisais pour animer des ateliers de créativité technique quand je travaillais chez TRACES.

On est nombreux à se lancer dans la vulgarisation parce qu’on aime ça, sans forcément se demander quels objectifs on cherche à accomplir au-delà de nous faire plaisir à nous-mêmes. Est-ce qu’on veut transmettre des connaissances ? Permettre aux gens de mieux réfléchir ? Continuer à apprendre nous-même ? Susciter des émotions ? Désacraliser les sciences ? Est-ce qu’on considère notre audience comme « un public » ou comme « des citoyens » ? Il n’y a pas forcément de bonne ou de mauvaise réponse à ces questions, mais il me parait important de se les poser. Parce que, selon ce qu’on y répond, certains dispositifs de vulgarisation seront adaptés, d’autres beaucoup moins. Ce n’est pas uniquement par manque de temps que je délaisse ma chaîne YouTube…

Les ateliers de créativités techniques ne sont qu’un exemple de dispositif horizontal parmi d’autres. Des endroits sont carrément dédiés aux approches qui mettent les participants au cœur des projets, voire mettent les projets entre les mains des participants, depuis le choix des sujets à traiter jusqu’à la réalisation finale. Les fab labs, living labs et autres tiers lieux en sont de bons exemples. La posture du médiateur peut y évoluer pour basculer de la vulgarisation, c’est-à-dire la transmission de connaissances, à la facilitation : la création de liens et d’une atmosphère voire d’une logistique favorisant la créativité.

Les sciences et techniques ne sont plus forcément au cœur de ce type de dispositifs mais elles peuvent y jouer des rôles importants. Notamment en tant que points de départ de réflexions, ou comme outils au service de la résolution de problèmes plus larges. Le projet E-FABRIK, également porté par TRACES, met par exemple le numérique au service du lien social en rassemblant des jeunes et des personnes en situation de handicap pour imaginer et mettre en œuvre des solutions concrètes. La médiation scientifique s’inscrit alors dans la continuité de la médiation sociale, sans qu’il n’y ait de frontière nette entre les deux. Elle se rapproche également de la philosophie de l’éducation populaire, qui, comme le synthétise un extrait également cité dans la vidéo de Bolchegeek, consiste à : « [prendre] comme point de départ les expériences, les situations, les questionnements de chacune et de chacun [et mettre] en commun tous ces savoirs, sans instaurer de hiérarchie de valeur entre ces connaissances ». La verticalité a disparu.

Paradoxalement, même si l’état d’esprit de départ est radicalement différent, on retrouve aussi dans la médiation scientifique des dispositifs horizontaux et participatifs inspirés de techniques de management aux noms jargonneux, comme le design thinking. Il s’agit globalement d’approches de conception créatives, qui permettent d’accompagner un groupe dans la construction d’une réflexion collective voire de l’amener à produire un contenu. A grand renfort de post-its, d’accessoires aussi incongrus que de la pâte à modeler ou de contraintes soigneusement choisies, l’idée est de mettre en place un contexte propice à faire émerger les idées, qui doivent venir des participants eux-mêmes.

Aperçu d’une activité de positionnement de post-its pour construire une galerie de projets, conçue pour une rencontre professionnelle de l’École de la médiation (en ligne, sur le site Miro)

Il y a souvent un côté ludique dans ces approches, qui sont devenues un incontournable des rencontres professionnelles de la vulgarisation scientifique. C’est tellement fréquent que ne suis plus capable de compter à combien d’ateliers de ce genre j’ai participé (et j’en ai moi-même organisé quelques-uns). Aussi bien en « physique » qu’en distanciel d’ailleurs, pas mal d’outils numériques s’y prêtent parfaitement. J’en suis parfois sortie circonspecte et j’ai parfois trouvé ça super : on peut vraiment en faire quelque chose d’intéressant mais ce n’est pas un « outil magique » pour autant.

Tout d’abord, comme beaucoup de formats horizontaux, cela s’adresse à un public plutôt restreint. Si vous voulez faire travailler les gens en groupes et les accompagner pendant le processus, chaque animateur ne peut gérer que quelques dizaines de personnes, voire moins selon le degré de suivi nécessaire. Ensuite, pour que cela marche, il faut que les participants aient un intérêt à réfléchir au sujet de l’atelier. Difficile d’inciter le public à s’impliquer sur un thème déconnecté de son quotidien ou de ses préoccupations. Ce n’est pas pour rien que ce genre d’approche est très utilisé dans les formations professionnelles : si vous venez acquérir des compétences dans un domaine c’est qu’a priori, il vous intéresse.

Mais il y a peut-être un autre biais : n’aurait-on pas tendance à mettre des formats horizontaux en œuvre plus facilement dans un contexte professionnel précisément parce qu’on suppose que des professionnels sont plus à même que du « grand public » d’avoir les connaissances et compétences nécessaires pour alimenter un format horizontal ? Honnêtement, je n’en sais rien. Peut-être que ça vient juste de mon biais d’échantillonnage personnel. (Mais je me suis posé la question en écrivant cet article et, si quelqu’un a des éléments de réponse, ça m’intéresse !)

De fait, il existe aussi de nombreux projets qui se développent en s’appuyant sur les savoirs et les observations des citoyens, comme E-FABRIK que j’évoquais il y a quelques paragraphes. Certains ont pour but de produire des contenus de vulgarisation, d’autres, comme les sciences participatives (que je connais moins bien), cherchent plutôt à produire des connaissances. Ça peut être géré de façon plus ou moins verticale, mais c’est aussi une façon de reconnaître les compétences de chacun, au lieu d’assimiler le public à une masse ignorante. Se pose alors la question de la reconnaissance et de la valorisation du travail fourni, qui n’est pas évidente à gérer.

Tout ça pour dire que, même si c’est la norme sur YouTube et le premier réflexe de la plupart des autodidactes, je pense qu’on a collectivement intérêt à casser l’image de la vulgarisation comme étant une transmission verticale et descendante de connaissances. C’est une façon de faire, qui a ses avantages, mais c’est très loin d’être la seule. Et comme ce n’est pas ma préférée, j’avais envie de parler un peu du reste (et je me suis emballée, désolée pour la longueur de cet article).


(Re)sources :

Bilan personnel de 2020

Le début d’une nouvelle année est souvent l’occasion de faire des projets. Mais en ce moment j’ai plutôt envie de regarder un peu vers l’arrière et de faire un bilan, dont certains points me paraissent intéressants à partager ici.

2020 devait être une année particulière pour moi. Après avoir passé plusieurs années à jongler de CDD en CDD dans différentes structures de culture scientifique, j’avais décidé de me lancer dans une nouvelle aventure. La petite entreprise que j’avais créée en 2016 pour pouvoir facturer des prestations ponctuelles allait devenir non plus un bonus, mais mon activité principale. Fini le salariat, bienvenue l’indépendance !

Le plan était de lancer cette activité tranquillement, en démarchant des clients potentiels pendant la première moitié de l’année, avec comme objectif d’avoir assez de missions pour gagner ma vie à partir de la rentrée de septembre. D’ici-là, j’avais de quoi m’occuper : il fallait que je rende le manuscrit de La folle histoire des virus avant la fin du printemps.

Avec un livre à écrire et une entreprise à lancer, 2020 s’annonçait bien remplie. En cas de temps libre, j’avais aussi une association à créer pour accompagner les chercheurs souhaitant monter des projets de médiation. Et puis…

Lien du tweet : https://twitter.com/SciTania/status/1213937807061852161


Je pense que je n’oublierai jamais la première fois où j’ai entendu parler de ce qui est aujourd’hui une pandémie de Covid19. Le matin du premier janvier 2020, ayant dormi chez des amis après le réveillon, je traînais au lit avant de me lever en parcourant twitter et j’ai vu passer un article sur une « mystérieuse épidémie en Chine ». Mon téléphone en carton ne me permettant pas d’ouvrir l’article en question, je l’ai mis de côté pour le lire plus tard et j’ai continué ma journée. Le 5 janvier, j’ai lu l’article, je l’ai partagé (avec une petite blague) et j’ai commencé à surveiller les données disponibles.

Je ne savais pas que ce tourbillon informationnel durerait plus d’un an.

Je suis virologue de formation, le sujet m’a intéressée tout de suite. Il y avait énormément d’incertitudes mais des découvertes ont aussi été faites très rapidement : avant la mi-janvier, on connaissait déjà la séquence du génome du virus responsable de ces mystérieuses pneumonies ! Un coronavirus, proche du SARS-CoV-1 qui avait causé le SRAS en 2002-2003, et qu’on appelait alors « nCoV », pour « nouveau coronavirus », en attendant un baptême plus formel.

Je devais intervenir dans La méthode scientifique du vendredi 24 janvier et on se demandait, l’équipe et moi, s’il y avait assez d’informations sur ce nouveau virus pour que j’en fasse mon sujet. Deux jours avant l’émission, on a décidé que oui… Et l’émission a finalement été annulée dans le cadre des grèves à Radio France (qui se cumulaient à l’époque avec celles de la SNCF, vous vous souvenez des grèves de janvier 2020 ?). Le 23 janvier. Date de l’annonce du confinement à Wuhan.

Comme il y avait à l’époque assez peu de contenu francophone vulgarisé et robuste scientifiquement sur ce nouveau virus, ça me paraissait dommage de ne pas partager les résultats de mon travail de veille. J’ai donc lancé un hashtag et proposé aux personnes intéressées de me poser leurs questions sur twitter pour préparer une vidéo de réponse.

Lien du tweet : https://twitter.com/SciTania/status/1220393435691208704


Le samedi 25 janvier j’ai tourné cette vidéo… avant d’aller à un concert (j’attends encore le suivant). Le 27 janvier je l’ai mise en ligne. Sans savoir qu’elle allait entraîner une perte totale de contrôle de mon emploi du temps.

Car cette vidéo et ce qui a suivi ont constitué ma principale leçon de 2020. Une leçon utile qui est une des raisons pour lesquelles je voulais partager ici mon bilan de l’année écoulée. Peut-être que vous la trouverez ridicule, peut-être que vous la trouverez évidente. Personnellement elle m’a quasiment coûté un burn out et elle a changé mon quotidien.

Fin janvier 2020, j’avais une communauté de taille non négligeable mais raisonnable. Un peu plus de 10 000 abonnés sur YouTube, un peu moins que ça sur twitter. Je ne connaissais pas toutes ces personnes, évidemment, mais les interactions étaient globalement sympathiques et donnaient lieu à des échanges constructifs et intéressants. Et puis, au lieu de faire quelques milliers de vues comme mes vidéos habituelles, celle sur le coronavirus a rapidement dépassé les 100 000 puis les 150 000 vues.

Soucieuse d’apporter des informations fiables à ces nouvelles personnes avides de comprendre ce qui se passait, j’ai lu tous les commentaires postés sur la vidéo. J’ai élargi la veille que je faisais déjà pour répondre aux questions. J’ai expliqué des concepts de biologie mal connus ou compris de travers. J’ai cherché des sources pour chiffrer des phénomènes auxquels je ne m’étais pas intéressée jusque-là. J’ai mis à jour le commentaire épinglé sous la vidéo pour que les spectateurs aient facilement accès aux dernières informations importantes (et ce jusqu’à début mars… quand j’ai atteint la taille maximum d’un commentaire sur YouTube et qu’il m’est devenu impossible d’y ajouter du contenu sans en supprimer).

Ces nouvelles sollicitations ont finalement atteint twitter, où j’ai temporairement changé les paramètres de mes notifications pour éviter qu’elles n’arrivent en continu. Chaque matin, je découvrais des questions de plus en plus nombreuses dans mes mentions et dans mes messages privés. Voire dans ma boîte mail. Fin février, j’ai fini par créer une page centralisant les ressources qui me paraissaient pertinentes sur le coronavirus, pour que les personnes intéressées puissent les retrouver facilement… mais aussi pour ne pas les perdre moi-même, puisque mon compte twitter était noyé sous les notifications et les choses « à lire » mises de côté.

Fin janvier je travaillais tranquillement sur le manuscrit de La folle histoire des virus, en me réjouissant de recevoir quelques sollicitations de clients qui me permettaient de gagner ma vie en tant qu’indépendante un peu plus rapidement que prévu. Mi-mars, suffisamment progressivement pour que je ne perçoive pas le glissement, mes journées étaient devenues ingérables.


Si vous vous êtes investi(e) dans la vulgarisation autour de la crise sanitaire actuelle, ces sentiments vous paraissent sans doute familiers. C’est pour ça que je voulais partager ce témoignage.

La particularité de mon cas personnel est que cette avalanche a commencé dès février. Mi-mars, l’annonce de ce qu’on peut désormais appeler le premier confinement a séparé les français en deux catégories. Ceux dont le travail est devenu moins urgent voire a été bloqué, qui se sont retrouvés avec beaucoup de temps libre à occuper. Et ceux qui ont dû gérer une surcharge de travail imprévue. De mon côté, j’étais déjà dans la seconde catégorie depuis plusieurs semaines quand le confinement a démarré et je pensais naïvement que ça ne changerait pas grand-chose à ma situation… Erreur !

Comme tout le monde, mes loisirs ont été stoppés brutalement. Ce qui a impacté mon moral. Mais en plus de ça, les sollicitations que je recevais ont explosé.

D’une part parce que plus de personnes se sont retrouvées avec du temps à tuer et une forte envie de comprendre ce qui se passait. J’ai donc reçu encore plus de questions quotidiennes sur les réseaux sociaux. D’autre part parce que la crise sanitaire est devenue LE sujet central des médias. Les personnes qui s’étaient intéressées au sujet ou qui avaient des compétences en lien avec les domaines scientifiques concernés sont devenues beaucoup plus intéressantes pour les journalistes. Et, toutes les interventions se faisant désormais à distance, mon statut de provinciale n’était plus du tout un problème. Les sollicitations médiatiques se sont donc ajoutées au reste. J’y ai au départ répondu avec plaisir, considérant qu’il était important de faire de la vulgarisation sur un sujet qui touchait aussi profondément nos quotidiens tout en faisant appel à des notions scientifiques mal connues des non spécialistes.

Entre le temps passé à faire de la veille, le temps passé à vulgariser volontairement les choses qui me paraissaient importantes, le temps passé à lire/répondre aux questions du public et le temps passé à répondre aux demandes des journalistes et vulgarisateurs qui sollicitaient ma double expertise de virologue et de médiatrice, mes journées étaient remplies. Soirées et week-end inclus. J’arrivais encore à dégager du temps pour les quelques missions rémunérées qui me permettaient de gagner ma vie (la quasi-totalité de mon activité autour du coronavirus était et est toujours bénévole) mais il devenait difficile de libérer les longues plages horaires dont j’avais besoin pour me concentrer sur l’écriture de La folle histoire des virus.

A un moment donné, je me suis rendu compte que j’étais en train de m’approcher dangereusement du burn out. Il était grand temps de lever le pied et de me protéger.

J’ai commencé par refuser les sollicitations de la plupart des journalistes, ce qui n’a pas été très difficile. Je n’ai aucune envie de notoriété (sinon j’aurais publié des vidéos hebdomadaires un peu provocantes chaque semaine depuis février) et j’ai vite été gênée par certaines pratiques courantes dans ce milieu, que je ne détaillerai pas ici parce que ce n’est pas le sujet de cet article. J’y reviendrai peut-être dans un billet plus général mentionnant aussi la promotion de La folle histoire des virus.

Il a été plus difficile de réussir à me dégager des vrais moments de pause. L’aide de mon conjoint (et du jeu Terraforming Mars) a été assez efficace pour arriver à ne plus travailler les week-ends. Pour les soirées… Disons qu’il me reste une marge de progression.

Mais le plus compliqué a été d’apprendre à ne plus me sentir obligée de répondre à toutes les questions et sollicitations que je recevais sur les réseaux sociaux. Mes comptes sur twitter et YouTube étant destinés à faire de la vulgarisation, je les avais toujours gérés avec en tête l’idée d’être au service du public intéressé. Sans compter qu’il s’agissait d’informer sur un sujet important, concernant tout le monde, en lien direct avec mon expertise scientifique et sur lequel, à l’époque, peu de personnes produisaient du contenu vulgarisé francophone. Je me sentais bien placée pour le faire et un peu responsable de cette mission.

C’était une erreur et c’est la première chose que j’aimerais faire ressortir de ce bilan : personne n’est indispensable.


Si vous produisez du contenu pédagogique autour de la crise sanitaire et que ça vous pèse, vous pouvez vous arrêter. Si ça vous épuise d’être le référent scientifique de votre famille/vos amis, vous pouvez dire stop. Protégez-vous et n’attendez pas de craquer. Cette période est pénible pour tout le monde. Renvoyez les gens qui vous sollicitent vers des contenus qui existent déjà, ou dites-leur simplement que vous ne savez pas/que ça ne vous intéresse pas/que vous n’avez pas le temps.

Oui, se taire c’est potentiellement laisser plus de place à des informations erronées ou trompeuses. Mais vous n’êtes pas obligés de transformer votre vie en croisade pour autant : vous épuiser ne vous rendra pas plus utile. Ça peut même être contreproductif, parce qu’avec la fatigue arrive le manque d’empathie et de rigueur. De nombreuses personnes produisent des contenus de qualité. Vous pouvez les encourager, voire proposer votre aide si vous avez des compétences utiles. Ou tout simplement partager ces productions et, à l’inverse, éviter de donner de la visibilité aux contenus problématiques ! C’est déjà très bien.

Sans compter qu’en plus de ne pas être indispensable, si vous n’êtes pas payé pour votre travail d’information, vous ne devez rien à personne. Ou pour être plus exacte : si vous prétendez informer, la seule chose que vous devez à votre public c’est de rester rigoureux et intellectuellement honnête. Pas de faire des mises à jour quotidiennes sur tous les sujets en lien avec l’épidémie en passant 5h à éplucher la bibliographie correspondante. Ni de répondre à toutes les questions, y compris celles posées de façon inutilement agressive.

Cette réflexion peut être généralisée à toutes les personnes qui, depuis des mois, font des efforts pour faire tenir un équilibre que la crise met à l’épreuve. Je suis sûre que ce que j’ai vécu dans le domaine de la culture scientifique peut-être transposé à de nombreux milieux. Oui, la situation est exceptionnelle et il est normal de faire des efforts et de se serrer les coudes. Mais si vous poussez vos limites personnelles au point de craquer pour de bon, ça n’arrangera la situation de personne. Arrêtez-vous avant.

Dans mon cas, il a été difficile de me détacher des sollicitations reçues sur les réseaux sociaux parce que ce qui m’a poussée à travailler dans la médiation scientifique c’est justement mon intérêt pour l’horizontalité et les échanges avec le public. Mais quand j’anime un atelier ou que je donne une conférence, le public arrive à une heure donnée et repart au bout d’une certaine durée. Sur internet, ces limites temporelles n’existent pas. Les sollicitations peuvent arriver n’importe quand et, assez rapidement, former un flot qui ne s’arrête plus.

Il faut donc apprendre à s’arrêter soi-même et à ne pas répondre à tout. Plus ou moins consciemment, j’ai aujourd’hui une liste de critères qui déterminent que je réponde ou non à une demande : sa clarté, le ton sur lequel elle est faite, le moyen de contact via lequel elle m’arrive, le fait de déjà connaître la réponse à apporter, l’existence de ressources déjà vulgarisées sur le sujet, le niveau de compréhension que mon interlocuteur parait avoir… Et évidemment mon humeur et mon degré d’occupation du jour.

J’ai aussi changé ma façon de diffuser des informations pour être moins visible, ce qui diminue le nombre de sollicitations. Accepter moins d’interventions médiatiques, ne quasiment plus créer moi-même de contenus en lien avec la pandémie, réduire le nombre de ressources que je partage directement (en privilégiant une page de veille que je mets à jour sans tout rediffuser)… Tout ça aide à retrouver un relatif anonymat. Sauf quand, de façon imprévue, un des articles de ce blog fait plusieurs milliers de vues au lieu de quelques dizaines ! Les vulgarisateurs qui doivent en permanence gérer des communautés de grande taille ont tout mon respect.

Au printemps, j’avais tenté une autre démarche pour réduire le flot des notifications sur les réseaux. Elle a donné lieu à ce qui est finalement, à mes yeux, mon projet le plus important de 2020. Avant le lancement de mon entreprise et la sortie de mon premier livre, c’est pour dire ! On va un peu insister là-dessus parce que, malheureusement, c’est aussi un exemple beaucoup trop isolé de ce qui aurait dû être fait pour communiquer efficacement autour de la crise sanitaire.

Le 17 mars, premier jour du premier confinement, j’ai lancé un appel aux biologistes via twitter :

Lien du tweet : https://twitter.com/SciTania/status/1239833337411309568


Les retours ont été relativement nombreux et j’ai créé un serveur discord pour que toutes les personnes motivées puissent s’y retrouver. Plusieurs centaines d’inscrits et quelques discussions plus tard, le collectif KezaCovid était né ! Entre début avril et fin juin 2020, nous avons créé 12 contenus originaux, allant de la BD à la synthèse en passant par l’infographie, et traduit 7 contenus anglophones que nous avons trouvés intéressants. Tout ça a été partagé sur twitter, sur facebook et sur un site dédié.

KezaCovid était un moyen de me mettre en retrait. Les sollicitations étaient désormais adressées à un compte twitter indépendant du mien, que je ne regardais que quand je le souhaitais. La personne qui gérait la page facebook a également désactivé les notifications pour ne plus les recevoir automatiquement : on reprenait la main sur le temps consacré à cette activité de vulgarisation. Mais KezaCovid était aussi un moyen de produire des contenus bien meilleurs que ce que je pouvais faire toute seule !

Ce collectif a rassemblé des biologistes aux domaines de compétence complémentaires mais aussi des graphistes (à qui on doit une très bonne charte graphique et des infographies d’une qualité incroyable), des vulgarisateurs et des personnes maîtrisant les outils informatiques dont on avait besoin. Il a aussi permis de partager le travail de veille et de mettre en contact des experts avec des citoyens curieux et avec des journalistes à la recherche d’intervenants sur des sujets précis. Bref, KezaCovid a fait ce que toutes les initiatives de vulgarisation autour de la crise sanitaire devraient faire : mutualiser les compétences. S’appuyer sur des scientifiques pour le contenu scientifique, sur des graphistes pour le rendu visuel, sur des vulgarisateurs pour la conception pédagogique. Tout en restant en contact avec les préoccupations des citoyens.

Depuis le début de la crise, je désespère de voir se multiplier les initiatives de vulgarisation n’impliquant aucun professionnel de la culture scientifique. La pédagogie et le dialogue sont au cœur du métier des médiateurs scientifiques. Ne pas les solliciter revient à se priver d’une expertise cruciale qui correspond exactement à ce dont on a besoin aujourd’hui. Et c’est d’autant plus dommage que, les centres de sciences étant fermés, de nombreux médiateurs sont disponibles pour aider ! Il faudrait « simplement » que les personnes pilotant des projets de diffusion de connaissances fassent la différence entre communication et vulgarisation et pensent à solliciter les professionnels de la seconde.

Je ne ferai pas ici la liste des journées professionnelles autour de la « communication de crise » ou des initiatives de diffusion d’informations autour de la crise sanitaire qui sollicitent tous les acteurs possibles et imaginables sauf ceux issus de la culture scientifique. Ce serait long et inutilement agressif. En revanche j’aurais bien fait la liste des projets qui, justement, ont sollicité des experts de la pédagogie (enseignants inclus) pour concevoir des supports vulgarisés en lien avec la pandémie. Malheureusement, en dehors de KezaCovid, je n’en connais aucun. J’avais pourtant tenté un recensement en mai, qui n’a pas donné grand-chose :

Lien du tweet : https://twitter.com/SciTania/status/1260499408422043648


Si vous connaissez des initiatives ayant fait appel à des professionnels de la culture scientifique pour informer autour de la pandémie (sans émaner directement des professionnels en question), je vous invite à laisser un commentaire. Je serai ravie de les découvrir ! D’autant que, s’il y en a plusieurs, on pourra commencer à se poser une deuxième question intéressante : à quelle fréquence ces compétences professionnelles sont-elles sollicitées contre rémunération ?

Mais revenons à KezaCovid, que j’ai monté sur un coup de tête et qui, en l’absence de budget et de structure préexistante, fonctionnait sur du bénévolat. J’en parle au passé car, même si l’espace de discussion existe toujours, les personnes impliquées dans le collectif ont cessé cette activité à la fin du confinement, quand elles ont pu reprendre leur travail habituel. Et c’est directement lié à l’absence de budget : j’ai signalé qu’il était toujours possible et intéressant de produire des contenus pour le collectif mais, si personne ne le fait spontanément, il est hors de question que j’exige du travail sans proposer de rémunération. J’ai donc arrêté de relancer les échanges internes. Peut-être qu’ils reprendront si nous nous retrouvons à nouveau dans la situation que nous avons connue au printemps 2020…

A posteriori je suis très fière de KezaCovid parce que cette expérience montre qu’il est facile de rassembler des personnes aux compétences complémentaires et que cela donne de très bons résultats. J’aimerais que cette démarche en inspire d’autres, plus pérennes. A l’époque j’étais surtout ravie de passer d’un travail solitaire à un travail collectif et de me concentrer sur des missions différentes de celles qui m’avaient occupée entre janvier et mars.

En janvier ma posture était surtout celle d’une virologue : je suivais les informations concernant un nouveau virus et j’essayais de les rendre accessibles. En février cette posture a évolué pour devenir plutôt celle d’une médiatrice scientifique. Les domaines concernés allaient au-delà de la virologie, s’étendant notamment à l’épidémiologie et à la médecine. J’ai continué à m’informer, avec plus de vigilance par rapport aux limites de mes compétences scientifiques, et à faire un travail de vulgarisation proche de celui auquel je suis habituée quand je parle de disciplines qui ne sont pas les miennes.

(Remarque : cette différence de posture n’a pas été très visible de l’extérieur. Ça explique sans doute qu’on me demande régulièrement d’accompagner la production de contenus pédagogiques sans réaliser qu’en fait, c’est précisément mon travail… Donc qu’en tant qu’indépendante je ne peux pas me permettre de le faire gratuitement pour des structures bénéficiant de budget ou produisant des contenus payants !)

Créer et gérer KezaCovid correspondait à des missions différentes, que j’avais déjà exercées dans de précédents emplois : éditorialisation, gestion de communauté, animation de groupes de travail, accompagnement de chercheurs non habitués à produire de la vulgarisation, communication, relecture plutôt que conception… J’ai pu sortir le nez de la bibliographie (qui était devenue franchement impossible à suivre, même avec des sites comme Bibliovid), laisser l’expertise scientifique à d’autres biologistes et me concentrer sur d’autres choses. C’était une bouffée d’air frais qui m’a fait beaucoup de bien dans une période éprouvante.

Voilà mon bilan de 2020 ! Étonnamment, il se concentre surtout sur la première moitié de l’année. J’ai profité de l’été pour souffler un peu, comme tout le monde, puis j’ai limité le temps consacré à vulgariser bénévolement autour de la crise sanitaire pour me concentrer sur des projets dont je ne peux pas encore vous parler… Et sur la promotion de La folle histoire des virus, malgré la fermeture des librairies et l’annulation de plusieurs conférences. Je ne crée quasiment plus de ressources liées au coronavirus moi-même, j’ai envie de parler d’autres choses, mais je donne régulièrement des coups de mains à d’autres vulgarisateurs et je continue à partager ma veille.

Vous remarquerez aussi que ce bilan ne contient aucune référence à une certaine molécule thérapeutique ou au harcèlement qu’ont pu subir les vulgarisateurs qui ont expliqué que les essais cliniques correspondants n’étaient pas concluants. Tout ça a débuté fin février/début mars, à un moment où mon marathon personnel durait déjà depuis plusieurs semaines. Je me suis intéressée au sujet au départ puis je l’ai mis de côté en attente de sources fiables… et quand celles-ci sont arrivées, j’en étais déjà à lever le pied pour me protéger. J’ai fui ce combat-là, qui n’aurait jamais dû devenir un combat, et je remercie celles et ceux qui l’ont mené.

Globalement, 2020 a été une belle année de galères mais il y a aussi eu beaucoup de positif. C’est par exemple particulièrement émouvant de tenir un livre avec son propre nom sur la couverture et de découvrir les retours des lecteurs ! Je propose de finir sur cette remarque qui vaudra sans doute aussi pour 2021 : ne laissons pas les moments de joie se noyer dans la masse du négatif, savourons-les, ils font du bien.



Pour aller plus loin si ça vous intéresse :
Retour sur mon expérience de communication scientifique de crise pour l’École de la médiation
Transmettre les sciences en temps de pandémie, mon entretien avec L’Économiste sceptique
Récapitulatif de mes activités liées à la pandémie

Le compromis de la vulgarisation

Ajout du 29 décembre : ce blog est dédié au partage de mes réflexions sur la culture scientifique et la vulgarisation mais ce n’est pas un blog de vulgarisation (j’utilise pour cela d’autres outils, notamment twitter et youtube, ainsi que le face public, quand c’est possible).
Le but de ce billet est de réfléchir à pourquoi un point précis lié à la vaccination a selon moi été mal traité par les personnes s’étant exprimées à ce propos. C’est une réflexion sur la vulgarisation, pas sur la vaccination, et je ne souhaite pas mélanger ces sujets. Je me réserve donc le droit de supprimer certains commentaires si j’estime qu’ils font dévier le débat.

Si ça vous intéresse, j’avais un peu parlé de vaccination ici et je centralise les informations sur les vaccins anti-SARS-CoV-2 qui me paraissent intéressantes dans ce thread (et les informations sur le coronavirus en général dans ce moment twitter).

Pour rendre des informations complexes compréhensibles sans les dénaturer, la vulgarisation nécessite souvent de faire des compromis. En fonction du public, du contexte, du temps dont on dispose et de nos objectifs pédagogiques, on peut se permettre de rentrer plus ou moins dans les détails, de simplifier plus ou moins grossièrement. C’est un exercice d’équilibriste et chaque vulgarisateur y trouve sa propre zone de confort, ce qui peut donner lieu à des discussions assez animées.

Et puis, de temps en temps, il y a des combinaisons sujet/contexte particulièrement compliquées, dans lesquelles on se retrouve obligés de vraiment lâcher du lest, ou bien sur la rigueur ou bien sur l’accessibilité.

J’en ai croisé beaucoup dans le domaine de la physique, où il est très simple de faire une expérience basée sur la tension de surface avec des enfants de 6 ans… mais beaucoup plus compliqué de leur expliquer le principe de la tension de surface. C’est le genre de situations où je rogne sans scrupule sur l’exactitude : je veux que les enfants se souviennent de l’expérience et associent la science à quelque chose d’intéressant. Peu m’importe qu’ils comprennent vraiment d’où vient l’effet Marangoni.

Mais récemment un de ces dilemmes pour vulgarisateurs a pris de l’importance dans l’actualité et je trouve que, collectivement, les personnes qui se sont exprimées sur le sujet ont échoué à trouver une position d’équilibre acceptable, moi comprise. Alors que le sujet est essentiel : les vaccins à ARN messagers qui commencent à être administrés dans un certain nombre de pays.

Je voulais faire un thread pour développer mon point de vue sur la question mais ce que j’ai à dire est beaucoup trop long pour tenir en quelques tweets donc désolée, nous voilà partis pour un (long) article de blog (sans illustration parce que je n’ai pas le temps d’en chercher alors qu’elles ne serviraient qu’à la déco, vous êtes prévenus). Mettons les pieds dans le plat : pourquoi se plante-t-on, à mon avis, sur la façon d’aborder le sujet des vaccins à ARN ? Et qu’est-ce que je peux conseiller, en tant que médiatrice scientifique et après avoir pris le temps de vraiment y réfléchir, pour faire mieux ?

Avant toute chose je tiens à dire que beaucoup de contenus de vulgarisation de qualité ont été produits sur le fonctionnement des vaccins à ARN. Le sujet sur lequel il me semble que la vulgarisation est mal faite est plus précis que ça. Et il a été mis de force sous le nez des vulgarisateurs et des experts, qui n’ont pas eu d’autre choix que de s’y attaquer pour répondre à de la méconnaissance voire de la désinformation. C’est quelque chose qui arrive parfois : quelqu’un pose une question qui nous prend complètement au dépourvu, qui nous parait insensée mais à laquelle il faut bien répondre, surtout si elle prend de l’importance et se base sur des incompréhensions.

En l’occurrence, la question épineuse ici est : est-ce que les ARN messagers contenus dans les vaccins sont susceptibles de modifier notre génome ?

La difficulté étant que, comme ces vaccins concernent tout le monde, il faut fournir à cette question une réponse suffisamment accessible et succincte pour être diffusée largement et comprise facilement. Or, pour répondre de façon rigoureuse à cette question, il faut mobiliser un certain nombre de concepts complexes et mal connus du grand public, nous aurons l’occasion d’y revenir.

Je trouve que le sujet a été mal traité mais, vraiment, je ne juge personne pour ça : la combinaison thématique/contraintes est difficile et il m’a fallu plusieurs jours de réflexion pour arriver à une réponse que j’estime satisfaisante (et encore plus de temps pour écrire cet article). Un délai que les experts, rapidement sollicités par les médias pour répondre aux inquiétudes de la population et généralement occupés par ailleurs, n’ont pas eu. Dans la grande majorité des contenus que j’ai vu passer, le choix a été de sacrifier la rigueur pour gagner en clarté.


Et paf la rigueur


Vous pourriez dire que je suis mal placée pour critiquer alors que je fais moi-même partie des gens qui ont adopté ce positionnement. Une seule et unique fois, mais dans un contexte qui a touché beaucoup de monde : le JT d’une grande chaîne nationale (en l’occurrence le 20h de TF1 du 12 décembre 2020, mais je n’ai pas trouvé de lien renvoyant vers un replay encore fonctionnel). Justement, quitte à critiquer nommément quelqu’un, autant que ce soit moi. Ça évitera d’être désagréable avec une autre personne qui n’aurait rien demandé et ça permet d’expliquer pourquoi j’ai fait ce (mauvais) compromis.

Quand une journaliste m’a contactée le 12 décembre pour un sujet « sur l’ARN », j’ai hésité à refuser l’invitation. Parce que je ne suis vraiment pas fan des interventions télé, parce que je n’aime pas agrémenter mes week-ends de bénévolat imprévu et parce que ce sujet me paraissait impossible à traiter avec les contraintes d’un reportage de JT. Je savais que j’aurais au grand maximum vingt secondes pour m’exprimer, avec une bonne chance pour que des coupes dans ma réponse soient faites au montage. Mais je me suis dit que j’avais quelques heures pour essayer de trouver un compromis accessibilité/rigueur et j’aimais bien la démarche de la journaliste, qui, pour une fois, n’a pas du tout essayé de me faire m’exprimer en dehors de mon strict domaine d’expertise (merci à elle pour ça). J’ai donc accepté.

L’enregistrement (à distance) s’est très bien passé, j’avais trouvé une métaphore pas trop mauvaise et j’avais fait une réponse assez courte. Le soir en découvrant le sujet… surprise (non) : ma réponse avait été coupée, il n’en restait que le début (en gros « L’ADN est dans le noyau, une espèce de château fort dans lequel on ne peut pas rentrer comme ça ») et la fin (en gros « Non, l’ARN du vaccin ne peut pas modifier l’ADN. »). Exit la métaphore, durée totale de l’intervention conservée : 9 secondes. 🙃

Si le début est vrai, la fin très affirmative est beaucoup plus discutable. Pourtant je suis sûre que vous avez lu et entendu des phrases équivalentes à celle-ci un certain nombre de fois, y compris dans la bouche de personnes très compétentes. Mais pourquoi, si c’est faux ?

Revenons à la métaphore que j’aimais bien et qui n’a pas été gardée au montage : « si l’ADN, le support de l’information génétique, était la version officielle d’une chanson que vous écoutez chez vous, l’ARN messager serait la version que vous fredonnez en vous baladant dans la rue. Il y a un lien entre les deux mais c’est l’ADN qui conduit à la production de l’ARN. » C’était manifestement déjà trop long comme réponse et ça revient tout de même à faire des compromis sur la rigueur, mais j’aime bien cette métaphore parce qu’on peut la développer efficacement pour devenir plus juste tout en restant compréhensible.

Dans l’absolu il n’est pas impossible que l’artiste d’origine vous croise dans la rue, vous entende fredonner, trouve votre interprétation super et vous invite à enregistrer une nouvelle version de la chanson. C’est-à-dire que l’ARN messager finisse par modifier l’ADN. Mais c’est quand même hautement improbable et il y a des tas d’autres choses qui ont plus de chance de vous arriver si vous fredonnez dans la rue. Comme de croiser un passant dont le regard moqueur vous inciterait à vous arrêter. (Ce qui peut être mis en parallèle avec la courte durée de vie des ARN messagers.) Tout comme il y a des tas d’autres choses qui ont influencé la version d’origine de la chanson, et qui influenceront ses futures versions officielles, mais qui n’ont rien à voir avec votre fredonnement.

Bref, une façon d’être plus juste serait de dire « Il n’est pas strictement impossible que l’ARN du vaccin modifie l’ADN, mais c’est extrêmement peu probable. ». Un propos que vous avez peut-être aussi entendu et qui, s’il est moins faux que le premier (« L’ARN du vaccin ne peut pas modifier l’ADN. »), reste cependant trompeur. Donc pas forcément préférable à mon avis.

En effet, si on s’arrête-là sans faire de comparaison entre la situation en cas de vaccin et la situation en cas d’infection par le virus, on peut donner l’impression que, au moins sur cet aspect-là, le vaccin est plus dangereux que le virus. Donc entretenir la défiance vis-à-vis des vaccins. Ce qui revient à s’éloigner de ce qui était le cœur du message pédagogique initial, puisque les personnes qui s’inquiètent des effets de l’ARN messager vaccinal sur leur ADN s’inquiètent en fait des effets secondaires qui pourraient justifier de renoncer à se faire vacciner.

Le résumé du message à faire passer est, en gros, « inutile de s’inquiéter des effets des vaccins sur notre ADN ». C’est ce que le public retient des propos de type « l’ARN messager ne modifie pas l’ADN », même s’ils sont factuellement faux. Mais ce n’est pas ce que le public retient des interventions de type « l’ARN messager a vraiment très très peu de risques de modifier l’ADN » parce que « très très peu de risques » multipliés par « vraiment beaucoup de personnes vaccinées », ça n’a pas l’air si anecdotique que ça.

Comment faire pour trouver un meilleur compromis ? Pour certains, la solution a consisté à se lancer dans des explications de biologie moléculaire et à détailler ce qui peut arriver à un ARN messager dans une cellule…


Et paf l’accessibilité


Je ne vais pas moi-même partir dans ce genre d’explications ici, j’en ferais peut-être une vidéo si je trouve du temps pour ça. J’aimerai surtout revenir sur pourquoi ça me parait être une mauvaise idée, en termes d’accessibilité du contenu et dans le contexte qui nous préoccupe, de se lancer dans de la biologie moléculaire trop poussée.

Rappelez-vous, on cherche à clarifier un sujet d’inquiétude en lien avec des vaccins qui concerneront toute la population. Le public à cibler pour dissiper efficacement les incompréhensions est donc très large et va bien au-delà des personnes qui ont ou pensent avoir des bases de biologie. Pour savoir comment s’adresser à un public, les médiateurs habitués aux interventions « en présentiel » ont une technique bien rodée : lui poser des questions pour évaluer son niveau de connaissances et s’y adapter. Malheureusement, les restrictions sanitaires compliquent le contact direct, et les réseaux sociaux et leurs bulles de filtre sont inadaptés pour sonder une population aussi large.

Il devient donc intéressant de se tourner vers les médiateurs scientifiques qui ont déjà une solide expérience d’ateliers sur des thématiques liées à la génétique, auprès de publics variés. Eux savent quelles réponses ils reçoivent quand ils demandent à leurs spectateurs ce qu’est un génome ou ce qu’est l’ADN. Non ce n’est pas un échantillonnage parfait, mais ça permet déjà de se faire une idée des termes qu’on peut utiliser pour être compris.

Il se trouve que j’ai moi-même animé de nombreux ateliers autour de l’ADN (à base d’écrabouillage de banane, je vous conseille cette expérience si vous ne l’avez jamais faite), en contexte scolaire avec des élèves de primaire mais aussi en périscolaire avec des enfants d’âges plus hétérogènes et pendant les vacances avec des familles. J’interroge aussi régulièrement le public adulte qui assiste à mes conférences de virologie sur la notion de génome. J’ai donc entendu des dizaines voire des centaines de personnes essayer de m’expliquer ce qu’elles savaient des génomes et de l’ADN. Et, amis biologistes, j’ai une mauvaise nouvelle pour vous.

Le niveau de compréhension des adultes est rarement meilleur que celui des élèves de primaire.

Ça n’a en fait rien d’étonnant : pour une bonne partie de la population, les cours de SVT s’arrêtent au collège. Et oui, tout le monde ne va pas au lycée général. Où, par ailleurs, toutes les filières ne permettaient pas de faire des SVT jusqu’en terminale, même avant la dernière réforme (je sais qu’il y a des spécialités hors filière générale qui permettent de faire des SVT, voire de la biochimie plus poussée que celle au programme de l’ancien bac S. Là aussi, ça touche une minorité de personnes par rapport à la population générale). Or c’est tout à fait normal d’oublier les choses qu’on a apprises au collège sans les remobiliser plus tard. Demandez à vos proches de vous citer les théorèmes de Pythagore et de Thalès, de vous donner les dates d’événements historiques clés, de lister les différents types de subordonnées, d’énoncer la loi d’Ohm ou de définir ce qu’est une réaction d’oxydo-réduction. Tout ça est au programme du collège mais peu d’adultes auraient tout juste (moi comprise).

On se souvient avoir appris ces choses, le vocabulaire est vaguement resté mais, pour les concepts qui n’ont pas resservi depuis, le détail est devenu flou. C’est la même chose en biologie. Les mots « génome », « cellule », « gène », « noyau » ou encore « ADN » et « protéine » sont familiers mais la représentation que s’en font la plupart des gens n’a plus grand-chose à voir avec le sens que leur donnent les biologistes.

En fait, on est dans la pire situation possible pour de la vulgarisation, celle des faux amis ! Des mots connus, utilisés, mais qui ne veulent pas dire la même chose pour la personne qui explique que pour celle qui reçoit l’explication. On peut ainsi avoir l’impression de s’être très bien compris alors que pas du tout.

Évidemment les contraintes du format jouent beaucoup. Dans une longue vidéo ou un long podcast, on peut prendre le temps de reposer toutes les bases et de bien redéfinir chaque concept. Dans une interview courte et que le journaliste voudra rendre percutante, ce sera plus compliqué voire impossible.


Le pire combo


Quelques-unes des tentatives de vulgarisation concernant l’effet des ARN messagers sur l’ADN ont abouti à la pire combinaison possible : des explications de biologie moléculaires relativement poussées, donc peu accessibles, expliquant pourquoi l’ARN messager ne peut pas modifier l’ADN de la cellule dans laquelle il se trouve, donc fausses.

Finir par perdre à la fois la simplicité et la justesse, ça parait incroyable. Pourtant j’ai vu beaucoup de contenus de ce type, produits par des personnes très sérieuses et compétentes. En fait, si je m’étais lancée sur ce sujet avant de prendre le temps de vraiment y réfléchir, j’aurais sans doute moi-même fait ce genre de chose.

C’est parce qu’il y a deux niveaux de réponse à la question « l’ARN messager peut-il modifier l’ADN ? ». Le premier niveau consiste à expliquer tous les mécanismes qui empêchent l’ARN messager de modifier l’ADN. Il y en a plusieurs et chacun nécessite de poser plusieurs concepts non maîtrisés par la majeure partie du public. Disons que si on voulait en faire un thread avec illustrations et en s’assurant que tout soit clair, il faudrait déjà une petite vingtaine de tweets. La plupart des contenus poussés que j’ai vus sur le sujet s’arrêtent-là, et c’est déjà un gros boulot de vulgarisation !

Le second niveau de réponse consiste à présenter les mécanismes susceptibles de venir enrayer cette machinerie bien huilée. C’est celui que je trouve le plus fun, mais j’ai fait une thèse en biologie moléculaire, donc je ne suis clairement pas représentative là-dessus. En tous cas, s’y attaquer vient encore ajouter une grosse couche de complexité sur le reste. D’une part parce que ça nécessite d’introduire un nouveau lot de notions. D’autre part parce que ça implique de démolir l’idée que les mécanismes à l’œuvre dans nos cellules sont des bijoux millimétrés.

Le vivant, c’est le bordel. Ce qu’on nous présente comme « ce qui se passe dans nos cellules » correspond généralement à la situation principale, mais il y a des exceptions et des petits dysfonctionnements dans tous les sens. Qui, à l’échelle de la durée de l’évolution des espèces, ont des conséquences non négligeables. Dans l’absolu, présenter notre génome comme correspondant à « l’ensemble des données qui définissent ce que nous sommes, sous la forme de séquences d’informations qu’on appelle les gènes », c’est complètement faux. Les gènes représentent moins de 2% de la longueur du génome humain. Le reste est un énorme vrac d’autres choses, dont des trucs capables de finir par incorporer dans l’ADN du génome des séquences dérivées d’ARN messagers. Trucs qui sont généralement éteints pour éviter d’ajouter du bordel au bordel, mais qui arrivent parfois à passer entre les mailles du filet quand même.

Autant dire que ce n’est pas facile de vulgariser ça efficacement à un public qu’on n’a pas en face de soi et dont on ne peut pas s’assurer qu’il suit effectivement les explications. C’est possible d’y arriver, évidemment, mais ça demande une certaine maîtrise de la vulgarisation, une bonne idée de ce que le public risque de comprendre de travers… et du temps. Ce qui, mécaniquement, diminuera la quantité de personnes qui accéderont au contenu.

Sans compter que si le premier niveau de réponse (pourquoi l’ARN messager n’est pas censé modifier l’ADN) est évoqué au lycée, donc vraiment bien connu de toutes les personnes ayant un peu étudié la biologie, ce n’est pas le cas du second niveau de réponse (pourquoi l’ARN messager peut parfois modifier l’ADN). Si on ne s’intéresse pas particulièrement à la génétique ou à la biologie moléculaire, on peut arriver jusqu’au Doctorat sans avoir vraiment étudié les rétrotransposons et les rétrogènes. On en a généralement entendu parler au début des études supérieures mais, une fois de plus, au bout d’une (ou plusieurs) dizaines d’années, on n’a plus en tête les choses qu’on n’a évoquées qu’une fois avant de se spécialiser dans un autre domaine.

Personnellement je connaissais un peu tout ça parce que j’ai travaillé sur le VIH, un virus qui a la particularité de transformer son ARN en ADN. J’avais été amenée à creuser certaines des notions associées et je savais que, potentiellement, les ARN cellulaires pouvaient finir intégrés dans le génome. Mais il a fallu que j’aille refaire de la bibliographie pour voir si ça concernait aussi les ARN messagers (qui sont un type d’ARN parmi d’autres) et si on avait une idée de la fréquence à laquelle cela peut arriver, des conditions nécessaires pour que ce soit possible ou du détail des mécanismes impliqués.

Autant dire qu’avant de se creuser la tête pour réfléchir à comment expliquer tout ça, il faut déjà réaliser qu’il y a quelque chose à explorer au-delà des connaissances de base de génétique et c’est loin d’être une évidence pour les biologistes qui ne se sont pas particulièrement intéressés à ce domaine. Ce sujet fait partie de ceux qui nécessitent une expertise très spécifique. Tous les biologistes ne sont pas des généticiens spécialisés en biologie moléculaire, comme ils ne sont pas tous épidémiologistes ou virologues.

Et encore, je n’ai pas évoqué ici les discussions qui concernent l’impact des modifications du génome par les vaccins à ARN si jamais elles finissaient par se produire ou, pour être plus précise, toutes les raisons qui font que cet événement improbable aurait de toutes façons des conséquences négligeables voire inexistantes. Le sujet est vraiment très vaste.

Mais finalement, est-ce qu’on a besoin de rentrer dans tous ces détails pour savoir si les ARN messagers utilisés dans certains vaccins contre le SARS-CoV-2 sont des menaces pour nos génomes ? A mon avis, pas du tout. Et c’est une bonne nouvelle : le dilemme accessibilité/rigueur sur lequel on est nombreux à s’être cassé les dents est un faux dilemme et on va facilement pouvoir faire mieux en termes de vulgarisation !


Comment faire mieux


Il arrive un peu tard par rapport à ma micro-interview du 12 décembre mais, après plusieurs semaines de silence volontaire sur ce sujet, voici le résultat de ma réflexion : la question « les vaccins à ARN messagers peuvent-ils modifier notre ADN ? » est mal posée, il faut donc s’autoriser à botter en touche pour répondre à une autre question, plus pertinente.

Note : je n’ai jamais dit que ma solution était révolutionnaire et brillante. Elle est ridiculement simple et, d’après ce que j’ai lu ces derniers temps, je suis loin d’être la seule à être arrivée à cette conclusion.

On ne peut pas se permettre de dire que les ARN messagers des vaccins ne peuvent pas modifier l’ADN. Parce que c’est faux et que, forcément, des personnes méfiantes vis-à-vis des vaccins vont trouver des sources expliquant que c’est faux. Ce qui va miner leur confiance dans les vaccins ET dans les vulgarisateurs. Ce serait perdant sur toute la ligne.

Disons donc la vérité : oui, les ARN messagers des vaccins peuvent modifier l’ADN des cellules dans lesquelles ils rentrent. C’est extrêmement rare, mais c’est possible.

On ne peut pas se permettre de s’arrêter-là parce que cela susciterait une méfiance vis-à-vis des vaccins qui reposerait sur une vision erronée de la réalité. Mais on ne peut pas se permettre de rentrer dans des détails de biologie moléculaire qui perdraient une partie du public alors que, dans ce cas précis, on veut s’adresser à la population la plus large possible.

Ça tombe bien, la question qu’il faut traiter ensuite n’est pas « comment ces ARN messagers pourraient-ils modifier notre ADN ? », « est-ce qu’on peut l’éviter ? » ou « est-ce que cette modification de l’ADN est susceptible d’être grave ? ».

Le cœur du sujet est la balance bénéfice/risque de ces vaccins, contre un virus qui circule très efficacement dans la population et que tout le monde risque donc d’attraper. La seule question qui vaille est : « est-ce que ce risque de modification de l’ADN est plus important avec le vaccin qu’avec le virus ? ».

Et hop, il devient facile d’y répondre sans entrer dans des explications compliquées.

Le vaccin consiste à injecter un ARN messager, dans une zone du corps, et une fois ces molécules détruites le stock n’est pas renouvelé. L’infection par le virus aboutit à la production de plusieurs ARN messagers différents, simultanément dans différents organes, et le stock d’ARN est renouvelé en continu par les cellules infectées. Quelle que soit la probabilité qu’un ARN messager modifie l’ADN de la cellule dans laquelle il se trouve, ce risque est beaucoup plus élevé pour les ARN messagers viraux produits en cas d’infection que pour l’ARN messager injecté pour la vaccination. Ce n’est donc pas une raison de préférer le risque d’infection à la vaccination.

Ça ne tient toujours pas en neuf secondes de JT, mais ça tient en moins de cinq tweets. Voire un seul si on l’accompagne d’une illustration sous forme de tableau synthétique. Chiche, on essaye de diffuser cette explication très accessible pour qu’elle touche le plus de monde possible ? Les personnes qui voudront creuser le sujet pourront toujours aller voir des explications plus poussées.

Construire des ponts

Mise à jour de septembre 2021 : si la question des collaborations vulgarisateurs du web/institutions vous intéresse, j’ai participé à une rencontre professionnelle sur ce thème dont le compte-rendu est accessible en ligne.

Musées, associations, centres de sciences, vidéastes, blogueurs, chercheurs… Les acteurs de la culture scientifique française sont nombreux et d’une grande diversité. C’est une force, car plus on a d’approches différentes, plus on s’adresse à des publics aux attentes différentes et plus le nombre de personnes exposées à de la vulgarisation scientifique est grand.

En écrivant la première version de cet article, j’avais commencé à expliquer pourquoi il me parait important que ces différents profils travaillent ensemble plutôt que parallèlement, en particulier dans un contexte de crise sanitaire qui impacte profondément notre quotidien et où scientifique et politique s’emmêlent rapidement. Au bout d’une page et demie de texte, je me suis dit que c’était quand même un peu long… pour une introduction. J’y reviendrai peut-être un jour mais en attendant : les nouvelles règlementations sanitaires imposent de réorganiser le fonctionnement d’un certain nombre de structures de culture scientifique, profitons-en pour mutualiser les compétences !

De façon un peu réductrice, on peut identifier trois profils types parmi les acteurs de la culture scientifique :
• Les institutions classiques (musées, associations, centres de sciences…), qui ont un budget de fonctionnement, une masse salariale, une implantation long terme et parfois des locaux accueillant du public.
• Les vulgarisateurs du web (vidéastes mais aussi blogueurs, dessinateurs, podcasteurs et parfois graphistes), qui ont leurs propres communautés, une très bonne maîtrise des outils numériques de communication et une grande diversité de modèles économiques et de statuts.
• Les experts (chercheurs, médecins…), qui peuvent être des institutions et des individus, ont des connaissances pointues mais sont dans leur grande majorité difficiles à identifier et à solliciter efficacement.

A ces catégories s’ajoutent des profils plus atypiques, comme les indépendants qui ne sont pas rattachés à des institutions mais ne vulgarisent pas en ligne pour autant, les associations regroupant des acteurs de la culture scientifique (comme l’AMCSTI côté institutions classiques ou le Café des sciences côté vulgarisateurs du web), les médias et journalistes scientifiques, qui couplent parfois cette activité à de l’animation, ainsi que de très nombreux pratiquants bénévoles de la vulgarisation, qu’ils agissent à titre individuel ou dans des associations sans modèle économique.

Cette diversité de profils devient une faiblesse quand on essaye de construire des ponts : chaque acteur a ses envies, ses moyens, ses objectifs et son réseau. Pour travailler efficacement ensemble, il faut réussir à se rencontrer et à faire coïncider tout ça. Ce n’est pas évident mais de plus en plus de personnes/structures adoptent aujourd’hui une posture collaborative et travaillent justement à tisser ce genre de liens.

Ce qui m’amène au cœur de cet article : comment profiter de ce second confinement et des contraintes qu’il nous impose pour concevoir et développer des projets ensemble, pour de bon ? Le sujet est vaste et je vais me concentrer sur un point précis, mais avant cela un petit intermède sur les façons dont les experts peuvent prendre toute leur place dans les projets de culture scientifique me paraissait important.

Avis aux spécialistes :
• Si vous faites de la recherche et voulez vous impliquer dans la vulgarisation sans savoir par où commencer, abonnez-vous à la newsletter La Scitoyenne, qui recense notamment des initiatives à rejoindre, et manifestez-vous auprès des structures de cultures scientifiques de votre région. Si ces acteurs savent que cela vous intéresse, ils feront plus volontiers appel à vous pour relire des contenus ou participer à des actions de vulgarisation.
• Si vous voulez monter un projet pour vulgariser votre sujet de recherche, faites vous accompagner pour développer la partie « outreach » de vos demandes de financement dans ce sens. C’est comme ça qu’est né le projet VirEvo, qui m’a donné envie de créer l’association FaScile conseil pour accompagner ce type de démarches.
• N’hésitez pas à signaler que vous avez envie d’aider, des initiatives se montent parfois à partir d’une discussion de machine à café ou d’un tweet (celui-ci est à l’origine du projet KezaCovid, qui a produit une douzaine de contenus originaux de vulgarisation pendant le premier confinement).

A l’inverse, si vous faites de la vulgarisation et que vous voulez traiter un sujet que vous connaissez mal, n’hésitez pas à contacter des experts pour être aidés dans la conception de vos contenus. Au pire ils refuseront ou ne vous répondront pas, ce qui n’est pas très grave, au mieux vous finirez par trouver des collaborateurs fiables !

Astuce 1 : n’écrivez pas uniquement à celles et ceux dont vous voyez déjà passer les noms partout, les plus sollicités sont rarement disponibles. Épluchez les sites des laboratoires, repérez les jeunes chercheurs qui reviennent dans vos sources bibliographiques, cherchez s’ils ont des comptes twitter… Les « perles rares » ne sont pas vraiment rares. Elles sont juste un peu cachées.
Astuce 2 : les personnes susceptibles de vous aider ne sont pas forcément des chercheurs. Elles peuvent aussi être des chercheuses, ou des personnels de recherche au sens plus large (ingénieurs, techniciens, responsables de plateformes techniques…).



Entrons maintenant dans le vif du sujet que je voulais traiter aujourd’hui : comment faire collaborer les structures classiques de culture scientifique et les vulgarisateurs du web ? Une chose me parait fondamentale : l’envie de travailler ensemble est un bon début, mais elle ne fait pas tout. J’ai une longue liste de personnes avec qui je souhaite collaborer (et réciproquement), pour certaines depuis des années, sans que ça ne se soit fait. Simplement parce qu’on attend d’avoir l’idée DU projet sur lequel cette collaboration sera pertinente.

A mon avis, pour créer des ponts, il faut commencer par identifier trois piliers sur lesquels construire des actions robustes : un projet (avec des objectifs précis), des envies/compétences (de chaque partie) et un budget.

Une des limites actuelles à la mise en place de collaborations est que, même si les communications entre eux sont de plus en plus fréquentes, les écosystèmes de la vulgarisation en ligne et des institutions culturelles se connaissent mal. Certains acteurs majeurs sont bien identifiés de part et d’autre, mais il n’existe pas de liste exhaustive des vulgarisateurs du web, détaillant leurs compétences, leurs statuts et leurs disponibilités. Tout comme il n’existe pas de liste exhaustive des institutions de culture scientifique précisant leurs thématiques de prédilection et leur degré d’ouverture à des projets émanant d’acteurs externes.

Si vous êtes vulgarisateur indépendant, il est quand même relativement simple d’identifier les structures de culture scientifique actives dans votre région (par exemple grâce au travail de recensement de l’Ocim). N’hésitez pas à les contacter pour signaler votre existence et votre envie de travailler ensemble, voire à participer à certains événements qu’elles organisent pour vous faire une idée de leur état d’esprit. Se rencontrer reste la première étape nécessaire pour, peut-être, travailler ensemble un jour !

Reste que, dans l’absolu, des recensements exhaustifs seraient utiles. Mais les établir prendrait du temps et demanderait de débloquer un budget dédié. En attendant qu’une structure porte cette initiative, que peut-on faire aujourd’hui pour lancer des projets collaboratifs ?

Le plus évident est sans doute de regarder ce qui se fait déjà et d’en tirer des leçons. Un certain nombre d’institutions ont sollicité des vidéastes, en leur demandant de réaliser des vidéos sur des thématiques fixées à l’avance mais en gardant une certaine liberté créative. Le tout contre rémunération et éventuellement avec mise à disposition de matériel. Ce mode de travail se développe dans le milieu de la culture scientifique, notamment avec le projet des Connecteurs.

En savoir plus sur Les Connecteurs.
Bonus : admirez la petite illusion d’optique sur ce logo recadré. Les recadrages horizontaux sont plats, pas bombés.


Cette démarche a l’avantage de créer des liens en immergeant directement les vidéastes au sein des institutions et elle a mobilisé des créateurs qui n’avaient pour certains que quelques milliers voire centaines d’abonnés. Arrêter de se focaliser sur les « têtes d’affiche » déjà très sollicitées et donner des moyens à des vidéastes talentueux mais n’ayant pas forcément déjà rassemblé de larges communautés me parait très louable !

J’ai cependant du mal à considérer ces résidences de création comme de réelles collaborations. En pratique les institutions fournissent des moyens, imposent une thématique et sélectionnent le projet qui leur plait le plus après avoir mis les créateurs en concurrence les uns avec les autres. C’est une logique de recrutement de prestataires. Ce qui n’a rien d’une insulte, ce mode de fonctionnement a largement fait ses preuves ! Mais ce n’est pas une collaboration sur un projet co-conçu.

L’autre inconvénient de cette approche c’est qu’elle ne s’adresse qu’à une petite partie de la communauté des vulgarisateurs du web. La compétence recherchée par les institutions est la réalisation vidéo. Les blogueurs, dessinateurs, podcasteurs etc sont écartés d’emblée alors que leurs compétences en vulgarisation n’ont rien à envier à celles des vidéastes. La vidéo est généralement privilégiée pour sa visibilité, mais des articles, podcasts ou infographies largement repris sur les réseaux sociaux coûtent moins cher à produire et peuvent aussi toucher beaucoup de monde. Une bande dessinée sur l’origine du SARS-CoV-2 créée pour le collectif KezaCovid, lancé à partir de rien au printemps, a par exemple touché plus de 35 000 personnes sur facebook et 50 000 sur twitter.

Le projet Billes de sciences, porté par La main à la pâte et lancé sur une idée de David Louapre, n’échappe pas à ce deuxième écueil : son objectif est de réaliser des vidéos et il fait donc appel à des vidéastes. En revanche, comme certains vidéastes ont été impliqués très tôt dans sa conception, il n’y a jamais eu de mise en concurrence des vulgarisateurs du web. Le réseau de ceux qui participaient déjà au projet a permis d’identifier des intervenants pertinents sans passer par une étape de sélection.

C’est une piste de réflexion pour coconstruire plus efficacement des projets : à défaut d’avoir une liste d’interlocuteurs préexistante, il est possible de s’adresser directement aux membres de la communauté avec lesquels on est déjà en contact pour qu’ils nous orientent vers des partenaires en adéquation avec le projet qu’on souhaite porter. Une démarche qui fonctionne aussi bien pour une institution à la recherche de vulgarisateurs que pour des vulgarisateurs à la recherche d’une institution pouvant les accompagner dans un projet précis.

Encore faut-il avoir en tête, d’un côté comme de l’autre, les compétences que peuvent apporter les acteurs de la communauté dont on ne fait pas soi-même partie. Je profite donc de cet article pour rappeler que les vulgarisateurs du web ne se contentent pas de maîtriser leur outil d’expression, qu’il s’agisse de rédiger des textes, réaliser des vidéos, enregistrer des podcasts ou créer des dessins ou des infographies. Ils maitrisent aussi les outils de communication en ligne et la communication scientifique en général. Et un certain nombre d’entre eux sont des experts des domaines qu’ils traitent (plus d’un vidéaste culturel sur trois a au moins un master 2 et vulgarise dans son domaine de compétence) qui connaissent bien le milieu de la recherche (1 vidéaste culturel sur 5 travaille ou a travaillé dans l’enseignement supérieur ou la recherche). Source

Cela veut par exemple dire qu’il peut être pertinent de faire appel aux vulgarisateurs du web pour des missions d’ingénierie pédagogique ou de relecture de supports de vulgarisation. Cela fait partie du travail qu’ils ont l’habitude de faire sur leurs propres productions. De même, des vulgarisateurs sachant faire de la bibliographie sur des thématiques très larges puis synthétiser ce contenu en concevant un déroulé pédagogique peuvent avoir un regard intéressant sur la conception d’une exposition, d’un cycle de conférences ou d’ateliers. Leur pertinence ne s’arrête pas à la conception de supports destinés à être partagés en ligne ! Ces compétences peuvent être particulièrement intéressantes pour les structures qui pratiquent la vulgarisation sans que ça ne soit leur activité principale, comme les CPIE.

Ces quelques suggestions donneront peut-être des idées à certains d’entre vous. Vous trouverez ici des exemples concrets de projets développés par La Casemate, à Grenoble, dans cet état d’esprit. Mais il ne serait pas honnête de ma part de finir cet article sans mettre les pieds dans le plat en abordant un dernier point essentiel : pour monter un projet dans un contexte professionnel, il faut le financer.

Source : pxhere.com


Ça parait évident mais force est de constater que ça ne l’est pas tant que ça. J’ai moi-même été contactée il y a seulement quelques jours par un centre de science qui voulait que je conçoive et anime des ateliers que son public pourrait suivre en visioconférence, sans avoir manifestement anticipé le budget à prévoir. Pourtant, un centre de science proposant des animations est a priori bien placé pour savoir combien coûte habituellement la mise en place d’un atelier…

Je ne sais honnêtement pas si ce type de demandes non financées est dû au fait que le bénévolat tient aujourd’hui une large place dans la culture scientifique en France ou si les vulgarisateurs du web ont encore, auprès de certaines institutions, l’image d’amateurs qu’on peut solliciter sans les rémunérer et qui seront déjà très heureux d’être visibles. Des interlocuteurs intéressants quand on manque de budget mais qu’on écarte quand on veut lancer un projet « sérieux ».

Je n’y vois pas de malveillance, simplement une méconnaissance de ce qu’est aujourd’hui devenue la vulgarisation en ligne. Et il faut bien reconnaitre que, même en faisant moi-même partie de cette communauté, ce n’est pas évident de savoir qui considère cette activité comme un loisir, un revenu d’appoint ou un travail à temps plein. Ou qui dispose d’un statut permettant d’être rémunéré sans avoir à mettre en place un contrat salarié. Petite astuce utile : les personnes qui ont un statut d’indépendant et vivent (ou essayent de vivre) de leur activité de vulgarisation ont généralement un site professionnel et une page LinkedIn assez claire là-dessus.

Toujours est-il qu’il est logique de prévoir un budget pour pouvoir faire appel aux compétences de collaborateurs. Or les acteurs de la vulgarisation en ligne sont pour la plupart très contraints sur ce point, avec des modèles économiques en cours de construction et des trésoreries serrées et déjà fléchées. Pour lancer des projets collaboratifs aujourd’hui, il faut être réaliste : cela a plus de chance de déboucher sur quelque chose de concret si le projet en question émane d’une institution. Que ce soit parce que celle-ci a des reliquats budgétaires directement mobilisables ou parce qu’elle a de meilleures chances de succès si elle demande des subventions (étant déjà connue des organismes financeurs et plus habituée à l’exercice).

Il me parait donc assez logique d’imaginer des projets en partant des besoins des institutions, qu’il s’agisse de valoriser en ligne des ressources déjà existantes ou de créer des contenus originaux, à court ou moyen terme. Au-delà de la production de supports numériques (qui sont eux-mêmes loin de se limiter à la réalisation de vidéos ou à l’animation de lives), les vulgarisateurs du web peuvent être mobilisés sur des projets très variés. Leurs compétences pédagogiques et leurs approches parfois peu conventionnelles peuvent vraiment enrichir la démarche d’institutions plus classiques.

L’idéal est à mon avis d’impliquer ces intervenants le plus tôt possible dans la conception du projet, pour qu’ils puissent être force de proposition et réellement devenir partenaires plutôt que prestataires. Si les actions à mettre en place nécessitent d’obtenir de nouvelles subventions (ce qui est très probable, l’arrêt des événements ouverts au public ayant durement pesé sur les finances de nombreuses structures de culture scientifique), les vulgarisateurs du web devraient être identifiés et mobilisés avant la rédaction des dossiers de candidature correspondants. Leurs retours aideraient à affiner le projet et ils pourraient penser à des modes de financements que les institutions, seules, n’auraient pas envisagés.

Tout ça est une synthèse rapide des idées qui me viennent, en tant que vidéaste ayant travaillé comme médiatrice dans plusieurs institutions plus classiques de culture scientifique et m’étant installée à mon compte il y a quelques mois, quand je réfléchis à comment favoriser la collaboration entre vulgarisateurs du web et institutions culturelles. J’espère que cela inspirera d’autres personnes et que des projets de ce genre verront le jour dans les mois qui viennent ! N’hésitez pas à partager vos propres réflexions dans les commentaires de cet article ou à lancer des débats sur twitter.


Merci à Marion Sabourdy pour sa relecture et ses précieuses remarques.

Entre art et science : les planches

Après un article sur la vulgarisation en BD, un article musique et vulgarisation et plusieurs longs mois beaucoup trop remplis à mon goût qui ne m’ont pas laissé le temps d’écrire la suite, il est temps de redonner vie à ce blog et de clôturer ma série de billets sur les dispositifs art et science en parlant du domaine artistique qui m’est le plus familier : le théâtre.

Il faut être honnête, je risque de manquer un peu d’objectivité sur ce coup : je fais moi-même du théâtre depuis plus de quinze ans. A un déménagement pour suivre mon conjoint près, mon chômage post-thèse aurait pu déboucher sur une inscription au cours Florent plutôt que sur la création de ma chaîne YouTube et l’idée de tout plaquer pour devenir comédienne me trotte toujours dans un coin de la tête.

D’ailleurs, mon tout premier projet de vulgarisation personnel était une pièce de théâtre ! Il me restait à peu près un an et demi avant de finir ma thèse lorsqu’un bâtiment notamment dédié à la vulgarisation scientifique a été inauguré juste à côté de l’institut dans lequel je travaillais : Genopolys. J’y ai découvert la médiation scientifique en faisant écraser des bananes à des élèves de primaire pour la Fête de la science mais j’ai aussi constaté, pendant les conférences d’inauguration, que l’amphithéâtre dans lequel elles avaient lieu ressemblait quand même beaucoup à une salle de théâtre…

Photographies montrant la salle nue et préparée pour une représentation théâtrale.
Photos de l’amphithéâtre de Genopolys, prises pendant la première répétition et pendant la première représentation.


J’ai commencé à discuter de l’idée de monter une pièce de théâtre de vulgarisation dans cette salle avec quelques personnes pour avoir leurs avis, mais sans trop y croire. La dernière année de thèse est rarement le meilleur moment pour se lancer dans un gros projet très chronophage et sans aucun lien avec sa recherche. Mais un des chercheurs avec lequel j’en avais discuté a été emballé par le projet et est allé en parler à tout le monde, y compris le directeur de Genopolys et mon directeur de thèse. Qui ont plutôt apprécié l’idée. Et voilà, c’était lancé, merci Vincent ! (Si tu lis cet article un jour.)

Je me suis alors posé la question qui était le point de départ de cette série d’article : comment réussir un projet art et science ? J’avais bien moins de recul sur cette pratique à l’époque qu’aujourd’hui mais mon avis a finalement assez peu changé. Mon objectif était de monter une pièce de qualité sur le plan artistique et de lui faire porter un message pédagogique intéressant. Mais lequel choisir ?

A alors commencé un travail de recherche du texte qui démarrait mal parce que je ne savais ni ce que je voulais, ni où chercher. Heureusement le coup de foudre a été rapide : la deuxième pièce que j’ai lue à l’époque était La vie de Galilée, de Brecht, et j’ai décidé tout de suite que ce serait celle-là. Une pièce susceptible de durer plus de 3 heures, nécessitant une bonne vingtaine de comédiens au minimum et qui n’était pas (à l’époque) dans le domaine public, c’était vraiment l’idéal pour un projet bénévole et amateur, non ?

Non, en effet. On peut même dire que ça a l’air carrément idiot. Mais le message pédagogique, lui, était parfait. A travers la vie de Galilée, c’est une pièce qui parle du fonctionnement de la recherche, de la démarche d’investigation, de la gestion des institutions, des moyens de s’adresser au grand public et de comment composer avec des autorités déconnectées de la science.

Vous voyez, même en cette année si particulière qu’est 2020, ça marche toujours.

Photo prise pendant une représentation. Galilée échange avec deux professeurs peu commodes.
Photo prise pendant une représentation de la scène 4 de La vie de Galilée. Celui-ci (au centre) essaye d’intéresser à ses découvertes des savants florentins qui se concentrent sur une théorie ancienne pour éviter d’être confrontés à des faits nouveaux.


Mais ce qui m’a surtout attirée c’est la façon dont ce contenu était abordé. Sans jugement, sans manichéisme, sans donner ouvertement tort ou raison à certains protagonistes. En somme, en faisant ce qui est pour moi au cœur de la médiation : donner des éléments d’information et laisser le public se forger sa propre opinion.

Si je prends le temps de vous parler de ce projet avec autant de détails, ce n’est d’ailleurs pas juste parce qu’il me tient à cœur. C’est surtout parce que le texte de Brecht m’a fait découvrir une approche qui permet de donner une grande force à la vulgarisation par le théâtre. Sans rien sacrifier sur le plan artistique, avec des personnages forts et attachants, on peut profiter d’une pièce pour exposer des éléments et susciter des questions chez le public sans y apporter de réponse ferme.

Dans ce cas le public n’est pas passif, il est acteur de sa propre réflexion. J’avais décidé de pousser ça un cran plus loin dans Galilée 2.0 (car c’était le nom du projet). La pièce était intégralement jouée par des personnes liées au milieu de l’enseignement supérieur et de la recherche, y compris le rôle principal, tenu par un comédien professionnel qui donnait aussi des vacations en informatique à l’université. Et chaque représentation était suivie d’un moment d’échange convivial au cours duquel le public pouvait interagir librement avec les comédiens, qui avaient leur propre expérience du fonctionnement de la recherche sur lequel la pièce suscitait des réflexions.


Flyers de Galilée 2.0
Flyers annonçant les représentations de Galilée 2.0 prévues pour la Fête de la science 2014.


L’idée était que le public puisse, à chaud, poser des questions ou partager des raisonnements avec les comédiens, familiers du sujet concerné. Je trouvais ça super mais en pratique ça n’a jamais très bien marché après les représentations de la pièce entière. Et pour cause ! Même en ayant retravaillé le texte pour le raccourcir, le concentrer sur le message qui m’intéressait et pouvoir le jouer avec moins de quinze comédiens, la pièce restait un beau morceau de deux heures.

J’ai eu l’occasion de discuter du fonctionnement de la recherche et de la démarche de notre troupe avec certains spectateurs, mais la plupart d’entre eux avaient surtout envie de complimenter les comédiens sur ce qu’ils venaient de jouer. Ce qui était une forme de réussite, vu le défi que représentait une telle pièce pour une troupe d’amateurs, mais plus sur le plan artistique que sur le plan de la vulgarisation.

En revanche il y a eu plusieurs échanges intéressants après des présentations d’extraits du spectacle, notamment à des lycéens dans le cadre de la Fête de la science. Signe que, si on veut laisser le temps au public de participer après une représentation, il ne faut pas l’assommer avec quelque chose de trop long, même si de bonne qualité !

Il y aurait encore beaucoup à dire sur Galilée 2.0. C’est un projet qui a mobilisé un certain nombre de musiciens pour créer une bande son originale intégralement construite autour d’une mélodie récurrente et qui a donné lieu à une exposition. C’est aussi un projet sur lequel j’ai beaucoup appris puisque je me suis occupée de tout (sauf de monter sur scène pour jouer, partant du principe qu’on ne peut pas diriger efficacement des acteurs et avoir du recul sur une mise en scène en étant soi-même sur scène) : travail du texte, direction artistique mais aussi logistique, recherche de dates, location de matériel, gestion de la régie, recherche et gestion de financements, création de l’intégralité des supports de communication etc.

Coulisses de théâtres où l'on voit des costumes et des accessoires.
Coulisses pendant une représentation de Galilée 2.0.


C’est surtout un projet qui a pris plus d’ampleur que je ne l’avais imaginé car la troupe, montée sans structure particulière à l’époque pour un projet ponctuel, est devenue une association, Galilée 3.0, qui en est à son troisième spectacle ! A défaut d’avoir réussi à engager le public autant que je l’aurais voulu, j’ai au moins la satisfaction d’avoir durablement motivé les comédiens, ce qui n’était pas gagné vu la quantité de travail que je leur ai demandé, encore merci à eux !

Cet article commence à être long, désolée, mais en fait l’essentiel est dit : je trouve qu’il est tout à fait possible de réussir des projets de vulgarisation par le théâtre, mais cela implique de trouver un bon équilibre entre ce qu’on dit et ce qu’on laisse ouvert à réflexion et de ménager un espace pour que le public puisse s’emparer du contenu.

Tout ça est évidemment plus facile à écrire qu’à faire et peut être développé à des degrés différents. Le théâtre forum est un exemple extrême : c’est une démarche plus proche de l’atelier que de la performance artistique, au cours de laquelle le jeu théâtral est utilisé comme un outil pour permettre aux participants d’incarner différents rôles dans des situations liées aux problématiques sur lesquelles on souhaite les faire réfléchir. Comme pour les jeux de débats, la dimension artistique est ici relativement réduite, mais le théâtre devient un puissant outil de médiation grâce auquel le public lui-même s’exprime.

Théâtre antique grec.
Photo du théâtre de Dionysos, à Athènes, préparé pour la représentation d’un opéra.


Entre Galilée 2.0 et ces démarches-là on trouve tout un éventail d’approches, qui répondent à des objectifs différents et ne s’adressent pas aux mêmes publics. L’humour, qui suscite des émotions, est un levier intéressant pour la vulgarisation qui est facile à mobiliser dans le cadre du théâtre. L’approche du stand up est par exemple exploitée de façon très réussie par la troupe du Science Comedy Show, de Toulouse. Je vous laisse apprécier quelques extraits joués pendant l’édition 2018 du forum NIMS : ici et .

Les Vulgaires, à Lille, font carrément créer des saynètes à des chercheurs pour leur cabaret des sciences, avec de super résultats. Et on voit de plus en plus d’endroits proposer des soirées de type « improsciences », mêlant conférences de vulgarisation et théâtre d’improvisation, comme l’Eurêkafé de Toulouse.

Si on embrasse le théâtre dans toute sa diversité, finalement, les soirées Ma thèse en 180 secondes peuvent aussi être considérées comme des initiatives théâtre et science : charge à chaque participant de créer son univers, son scénario et d’ajuster au mieux son contenu scientifique et son charisme sur scène. Dans l’absolu, il y a un peu de théâtre dans chaque conférence donnée face public ou dans les formats de type science show. Même si les médiateurs n’y jouent pas de personnages, ils font appel à des compétences scéniques proches de celles des comédiens.

Enfin, même s’il est difficile d’en profiter à distance, Galilée 2.0 n’est évidemment pas le seul projet à essayer de trouver un équilibre entre vulgarisation et pièce de théâtre. On peut citer Tout le monde descend, une comédie sur l’évolution notamment jouée par Marie-Charlotte Morin, ancienne gagnante de MT180. Ou les spectacles de clowns de science portés par les Atomes Crochus, qui mêlent théâtre et expérimentation.

Il existe même des structures entièrement dédiées à cette approche, comme le théâtre de la Reine Blanche à Paris, la compagnie Comédie des ondes ou la compagnie Cosmo’Note et ses clownférences. Une liste non exhaustive qui donne envie d’explorer les initiatives existantes… et d’en proposer de nouvelles !

Voilà, après des mois d’attente cette série sur les initiatives arts et sciences prend fin, mais rassurez-vous, il y a encore des tas de choses dont j’ai envie de vous parler ici. A bientôt ?

Entre art et science : les notes

Dans mon dernier article, j’ai partagé quelques réflexions personnelles sur ma vision des dispositifs étiquetés comme « art et science ». Et j’ai été ravie de voir naître des discussions à ce sujet sur twitter, y compris avec des personnes n’ayant pas le même point de vue que moi (parce que les débats entre personnes du même avis c’est confortable mais pas très enrichissant). Si vous voulez que vos remarques puissent être facilement accessibles aux personnes qui liront les articles associés, n’hésitez pas à utiliser l’espace commentaire : il est là pour ça.

J’avais également profité de cet article pour vous recommander des projets art et science que je trouve réussis dans le domaine de la bande dessinée. Aujourd’hui je vous propose une autre thématique qui, attention, risque de vous occuper pendant un moment : la musique !

L’idée n’est pas de vous partager du contenu de vulgarisation concernant la musique (même s’il en existe de grande qualité sur internet, notamment cette vidéo de David Louapre et Vled Tapas sur les mathématiques et la musique) mais bien des œuvres artistiques comprenant une forte dimension pédagogique. Commençons par… des chorégraphies.


Si vous aimez la danse et les sciences, je vous recommande de suivre les résultats du concours annuel « Dance your PhD ».

Organisé depuis 12 ans par le magazine Science et l’Association américaine pour l’avancement des sciences, il s’adresse aux doctorants et jeunes docteurs qui, pour candidater, doivent envoyer au jury la vidéo d’une chorégraphie représentant leurs recherches… dans laquelle il faut qu’ils apparaissent eux-mêmes. Un sacré défi ! Au cas où : l’appel est en cours pour l’édition 2020…

Évidemment, comme dans tout concours, les candidatures sont très différentes les unes des autres. Le niveau de danse et le niveau de vulgarisation varient. Beaucoup des vidéos sont en fait des chorégraphies surtitrées pour expliquer les phénomènes scientifiques représentés mais c’est un format que j’aime beaucoup. D’une part parce qu’il est très humain : le choix de la musique et de la chorégraphie en disent beaucoup sur les jeunes chercheurs participants. Et d’autre part parce qu’il y a des petits bijoux, que ce soit en termes de vulgarisation ou de créativité.

J’aime notamment beaucoup cette vidéo de 2016 représentant la transcription des ARN via la valse, celle-ci sur la réponse immunitaire au cancer et ce bijou sur la théorie des nœuds (avec un lien en description pour aller plus loin sur la partie mathématiques). Je trouve que les trois mêlent efficacement danse et contenu pédagogique. Les messages passés ne sont pas forcément très compliqués, mais on s’en souvient et, pour la troisième, on récupère un peu de vocabulaire au passage.

Ce qui me plait globalement dans ce concours c’est qu’il y en a vraiment pour tous les goûts, avec des performances très narratives (ici ou ), d’autres clairement axées sur l’incarnation de molécules ou de cellules (ici ou ) et d’autres qui mêlent les deux (comme ici).
 
D’ailleurs, quitte à avoir à nouveau passé quelques heures à me perdre sur YouTube, je profite honteusement de ce billet pour partager des vidéos que j’aime même si leur contenu en terme de vulgarisation n’est pas forcément énorme : celle-ci, qui place la barre « talent caché de doctorant » très très haut (oui, la doctorante et la danseuse sont une seule et même personne) et celle-ci, dont je trouve les costumes et les attitudes merveilleux.

Et je vous propose de terminer en beauté avec cette magnifique comédie musicale en mode swing sur les supraconducteurs, qui, en plus d’être très pédagogue fait une parfaite transition pour aborder la vulgarisation en chansons !


Il y a quelques incontournables dans la catégorie des chansons scientifiques. Les plus biologistes d’entre vous penseront peut-être à deux vieilles publicités de Bio-Rad, pour une machine et un mix à PCR. L’effort de vulgarisation n’est pas énorme parce que ces vidéos s’adressent à un public qui connait déjà la thématique, mais force est de constater qu’il y a du contenu.

Plus récent, plus éclectique et plus pédagogue (mais toujours aussi anglophone), il y a la chaîne A capella science qui, comme son nom l’indique, a pris le parti de vulgariser en chanson ET en faisant tous les instruments a capella. Si vous ne connaissez pas déjà, prenez quelques minutes pour découvrir, mais je ne garantis pas que vous puissiez retourner à une activité normale après la première vidéo. Et si vous connaissez déjà, soyons honnête, vous allez sans doute aller écouter une chanson quand même pour le plaisir !

Mes deux vidéos préférées : CRISPR-Cas9 sur l’air de Mr Sandman (elle reste dans la tête par contre, je vous aurai prévenus) et un topo sur l’entropie sur un air de Billy Joël qui est une vraie prouesse de réalisation vidéo, je vous invite à jeter un coup d’œil au making of.

Mais nous venons à peine d’entrebâiller la porte, car il y a énormément de chansons liées aux sciences sur internet. Parmi les incontournables on peut citer la chaîne ASAP science, qui produit différents formats de vidéos de vulgarisation, dont des chansons rassemblées dans une playlist pas tout à fait à jour. En cette période de fin d’année, je recommande notamment leurs chants de Noël scientifiques !

Ils sont également à l’origine de la chanson « Science never goes out of style », qui valorise les sciences et la recherche, et d’un morceau sur les consignes de sécurité dans un laboratoire (il y a beaucoup de parodies de chansons abordant la recherche et son fonctionnement, je n’en parlerai pas aujourd’hui en dehors de cette petite exception parce que ce n’est pas vraiment de la vulgarisation, mais manifestez-vous si ça vous intéresse).


Si vous n’êtes pas anglophone, vous commencez peut-être à vous lasser de ces recommandations incompréhensibles. Il faut dire que les chansons de sciences sont beaucoup moins nombreuses en français qu’en anglais mais il en existe quand même quelques-unes qui valent le détour !

Je pense notamment à l’adaptation française des « Epic Rap Battles of History » (parmi lesquels on trouve parfois de la science aussi) par la chaîne du Lab3 : les batailles de rap épiques de biologie ! Ici un duel sans merci entre les requins et les dauphins.

La chaîne de vulgarisation de l’esprit critique La tronche en biais a pour sa part le bon goût de compter parmi ses membres un musicien de talent (Vled Tapas, déjà mentionné en début d’article et dont vous trouverez le travail musical ici). On y retrouve donc deux chansons composées spécialement pour la chaîne et qui font l’éloge de l’esprit critique : J’ai comme un doute et L’esprit ouvert.

Force est de constater qu’en dehors de ces deux exemples, la vulgarisation chantée francophone est rare. Droupix, un Docteur en neurosciences devenu journaliste scientifique, avait lancé sa chaîne avec des chansons servant d’introduction à des articles de vulgarisation, mais il a a priori arrêté ce format depuis.

En revanche, si on s’écarte un tout petit peu de la vulgarisation pour s’intéresser à l’enseignement, on trouve à nouveau de super initiatives !

J’aime beaucoup Issaba, un rappeur et professeur de mathématiques qui propose des cours de maths rappés et fait intervenir ses élèves dans les clips qu’il met en ligne. Dans le même esprit, on peut citer Mélix SVT qui a toute une playlist de révisions en chansons pour les lycéens.

Enfin, toujours pour réviser même si non réalisées par des enseignants, les trois vidéos de Rap Philo de PV Nova et Cyrus North ont rencontré un beau succès (vidéo 1, vidéo 2, vidéo 3).


Si vous connaissez d’autres chansons scientifiques francophones faites-moi signe, on n’en a jamais assez ! D’ailleurs, si vous commencez à vous perdre sur YouTube, cet article peut vous occuper quelques heures sans difficulté (c’est du vécu). La prochaine fois on clôturera vraisemblablement cette série sur les dispositifs art et science avec une réflexion sur le théâtre et les jeux à vocation pédagogique.

Bonnes fêtes à toutes et à tous d’ici là !

Entre art et science : les bulles

La chaîne Le Mock a récemment mis en ligne une vidéo très intéressante à propos de l’évolution de la vulgarisation sur YouTube. Réalisée dans le cadre d’une résidence de création organisée au Quai des savoirs, celle-ci donne la parole à plusieurs vidéastes vulgarisateurs qui partagent leurs expériences et leurs réflexions.

Parmi eux se trouve Clothilde Chamussy, créatrice de la chaîne Passé Sauvage, qui, à 18’05, fait cette remarque qui m’a accrochée l’oreille : « La vulgarisation ça se place au milieu, entre l’activité artistique et l’activité de recherche. »

En tant que fille d’un auteur compositeur interprète et d’une danseuse devenue plasticienne puis graphiste, m’étant moi-même essayée avec plus ou moins de succès au piano, au violon, à la danse, au chant et au théâtre et ayant voulu me professionnaliser dans la recherche avant d’opter pour la vulgarisation… je dois dire que ça me parle !

En y réfléchissant il y a sans doute un parallèle à faire entre ma nette préférence artistique pour la pratique du théâtre, qui n’a de sens que présenté sur scène, et mon attirance pour le contact direct du public en tant que vulgarisatrice. Avec dans les deux cas l’envie d’aller bidouiller les rouages en coulisses, que ce soit en faisant de la mise en scène ou en gérant des projets de médiation.

Mais on s’écarte du sujet que je voulais aborder aujourd’hui ! Car la réflexion de Clothilde m’a aussi rappelé les nombreuses initiatives qui essayent de mêler harmonieusement l’art et la science, qu’on regroupe généralement sous l’appellation « art et science » et qui, pourtant, ne sont pas toujours des exemples de vulgarisation réussie.

Image issue d’une expérience.

Mes goûts personnels font que je suis très attirée par ce type de projets, et je suis généralement déçue. Sans doute parce que je suis exigeante : j’attends d’un dispositif art et science qu’il mette ces deux facettes à égalité, ce qui constitue un équilibre délicat et difficile à atteindre.

Dans la majorité de ce que j’ai pu voir, la science avait servi de source d’inspiration à l’art mais le rendu était essentiellement artistique, sans explication permettant d’y ajouter une dimension pédagogique. Ce type d’œuvre reste évidemment intéressant, et certaines de celles que j’ai vues m’auraient sans doute beaucoup plus enthousiasmée si elles ne m’avaient pas été présentées avec l’étiquette « art et science ». Mais je les trouve terriblement frustrantes : j’ai toujours envie d’en savoir plus sur la science à l’origine de l’œuvre.

A l’inverse, mais c’est plus rare ou en tous cas moins mis en valeur, j’ai aussi vu des projets art et science dans lesquels la dimension pédagogique était très présente mais le rendu artistique plutôt brouillon. C’était souvent des initiatives portées par des chercheurs ou des laboratoires, et à titre personnel je les trouve plus intéressantes que celles dans lesquelles l’art a pris le pas sur la science. Essentiellement parce que dans le premier cas il suffirait de retravailler un peu les finitions pour obtenir un résultat équilibré entre art et pédagogie alors que dans le second cas l’entièreté de l’œuvre serait généralement à repenser pour pouvoir y inclure du contenu scientifique intelligible par le public.

Mais assez critiqué ! Souligner les problèmes récurrents n’est qu’une façon parmi d’autres de trouver des pistes d’amélioration. On peut aussi mettre en valeur les projets qui fonctionnent bien et essayer d’en tirer des leçons. Je vous propose donc une petite sélection d’initiatives art et science que je trouve réussies et j’en profite pour dire qu’évidemment, tout ceci, critiques négatives comme positives, dépend nécessairement des goûts et des attentes de chacun.

Quelques bulles issues d’une expérience.

En préparant ce billet je me suis rendu compte qu’en fait il y a énormément de dispositifs art et science que j’apprécie, ce qui a eu deux conséquences. La première a été de me décider à séparer ce qui devait ne constituer qu’un article en une série de recommandations thématiques, et la seconde de me faire un peu revenir sur mon pessimisme initial.

Il est finalement faux de dire que la majorité des projets art et science que j’ai vus étaient décevants. Mais la plupart de ceux qui m’ont convaincue ont un point commun : ils ne revendiquent pas l’étiquette « art et science » et je n’ai donc pas pensé à eux tout de suite quand j’ai commencé à réfléchir à ce sujet.

Est-ce parce que les personnes (ou groupes de personnes) les mieux placées pour allier talent artistique et talent de vulgarisation trouvent ça tellement naturel qu’elles ne pensent pas à identifier explicitement cette démarche ? Parce que beaucoup de ces initiatives sont plutôt détachées du milieu de la culture scientifique, où est généralement utilisée l’appellation « art et science » ? Je n’en sais honnêtement rien et je serai ravie de découvrir vos réflexions à ce sujet !

Mais, puisque les projets réussis sont en fait nombreux et cet article déjà assez long, entamons les recommandations ! Mes critères personnels pour considérer un dispositif art et science comme réussi sont les suivants :
– le rendu artistique est bon (ce critère à lui seul explose déjà tous les compteurs possibles de subjectivité, désolée, mais ça arrive vite quand on parle d’art)
– du contenu scientifique est transmis au public
– ce contenu est fiable
– ce contenu est intelligible
Si cela correspond à votre propre grille de lecture, les projets qui m’ont plu devraient vous plaire aussi !

Comme nous nous apprêtons à entamer 2020, l’année de la bande dessinée, j’ai choisi de commencer mes partages par cette discipline-là. Elle fournit de nombreuses initiatives art et science de qualité, certaines étant gratuites et accessibles en ligne, d’autres susceptibles de faire de beaux cadeaux de Noël.

Logo de l’opération 2020 année de la bande dessinée

Une des grandes références « sciences et BD » est incontestablement Marion Montaigne et notamment son blog Tu mourras moins bête (mais tu mourras quand même !). Depuis plusieurs années son Professeur Moustache y vulgarise des sujets de toutes les disciplines, avec une bonne dose d’humour et pas mal d’histoire des sciences. En plus des planches en ligne, ce blog a donné lieu à 5 bandes dessinées et à une série de vidéos, il y en a pour tous les goûts.
Marion Montaigne est également l’autrice de la bande dessinée « Dans la combi de Thomas Pesquet », qui retrace le parcours de notre astronaute national avec, comme à son habitude, plus de sincérité que de glamour. Et ça fait du bien !

Dans les exemples de BD de vulgarisation très réussies, on peut également citer l’intégralité de la collection Octopus, lancée relativement récemment. De l’exploration martienne à la philosophie, elle ouvre ses pages à des créateurs différents pour chaque ouvrage avec plusieurs binômes dessinateur/vulgarisateur de qualité.

Parmi mes coups de cœurs personnels se trouvent aussi la série Histoires extraordinaires & sources d’étonnement, scénarisée par Patrick Baud aka Axolot, Economix, une histoire très touffue de l’économie, ainsi que les ouvrages réalisés par Peb & Fox à partir de portraits de doctorants. C’est-à-dire Sciences en bulles, livre édité pour la Fête de la science 2019 et téléchargeable gratuitement sur internet, et Ma thèse en 2 planches, reprenant 33 portraits de doctorants ayant participé au concours Ma thèse en 180 secondes à l’Université de Lorraine.

Si vous voulez aller plus loin dans votre exploration du monde de la recherche par la bande dessinée, vous pouvez pousser les portes d’un laboratoire et aller découvrir Material & Methods ! Ce manga, créé et autoédité par une Docteure en biologie (dont vous avez déjà vu au moins un dessin si vous avez regardé l’en-tête de ce site) suit un nouvel arrivant dans le milieu de la recherche et aborde aussi bien le fonctionnement des laboratoires que la biologie moléculaire. Si vous voulez voir ce que ça donne c’est facile : les deux premiers tomes sont consultables gratuitement en ligne.

Enfin, si la recherche vous intéresse mais que votre truc c’est le terrain plutôt que la paillasse, je vous recommande chaudement Les mésaventuriers de la science. Un livre aussi intéressant que son histoire ! Car tout a commencé par l’apparition du hashtag #FieldWorkFail sur twitter, via lequel des chercheurs partageaient des anecdotes de situations compliquées voire d’énormes ratés arrivés sur le terrain pendant leurs travaux de recherche. Parmi les personnes qui ont trouvé ce contenu aussi hilarant qu’inspirant, il y a eu Jim Jourdane, un dessinateur qui a commencé à illustrer une partie de ces histoires (certains dessins sont d’ailleurs accessibles en ligne). Finalement, le succès rencontré auprès du public a donné lieu à la publication d’un livre qui a sa place dans toutes les bonnes bibliothèques !

Voilà déjà une bonne liste de bandes dessinées alliant efficacement art et science, mais je suis sûre qu’elle n’est pas exhaustive. N’hésitez pas à partager vos propres recommandations en commentaires ! De mon côté je vais m’arrêter là pour aujourd’hui et je vous donne rendez-vous au prochain billet… pour parler de vulgarisation par la danse et la chanson.

Hello world

Nous sommes fin 2019 et je viens de créer un blog. Parce que qu’en cette ère du « tout numérique », il me paraissait essentiel de rester à la pointe de la modernité !

Ou plus sérieusement parce qu’il y a pas mal de choses que j’ai envie de raconter mais que mon compte twitter ou ma chaîne Youtube ne me paraissent pas les bons endroits pour cela.

Je me suis un peu retourné le cerveau pour savoir par quoi commencer. Fallait-il lancer ce blog avec un article polémique suscitant le débat pour attirer du public ? Avec un partage d’expérience invitant d’autres professionnels de la culture scientifique à s’exprimer ? Avec une critique de livre, d’expo ou autre dispositif de vulgarisation ? Parler de quelque chose que j’ai vécu récemment ou replonger dans des faits plus anciens mais peut-être plus intéressants ?

J’ai décidé de faire les choses dans l’ordre (et de repousser cette décision, soyons honnête) en consacrant ce premier article à une petite présentation !

Si vous ne me connaissez pas : bonjour, je m’appelle Tania Louis, j’ai fait un Doctorat en biologie cellulaire dans une vie antérieure et je suis désormais médiatrice scientifique et conceptrice de contenus pédagogiques. J’aime les virus, l’histoire des sciences, le théâtre et tester de nouveaux outils de vulgarisation. Si vous voulez en savoir plus sur moi, vous pouvez aller faire un tour sur mon site professionnel.

Je préfère ne pas trop m’avancer sur ce que vous pourrez trouver sur ce blog, il va sans doute falloir un peu de temps pour que la ligne éditoriale se stabilise. Mais l’idée générale est de parler de diffusion de la culture scientifique et de partager mes expériences et réflexions dans ce domaine.

Aventure à suivre, donc !

PS : pour les plus impatients d’entre vous, j’ai déjà écrit, il y a un certain temps, deux articles publiés sur la plateforme Echosciences. Si cette introduction vous frustre et que vous espériez un peu plus de contenu à vous mettre sous la dent, vous les trouverez ici :
Amener un groupe dans un centre de sciences : 6 conseils pour que tout se passe bien
Trois vidéos indispensables si vous diffusez des informations scientifiques !